Chapitre 29 - Green

 V - Parmanie


Chapitre 29 - Green

Petite ville de cent trente-trois mille habitants. Lavanville fait partie des villes les plus touristiques, mais également des plus macabres de tout Kanto.

Ici, les pompes funèbres se disputent les clients comme des marchands partageant des stands voisins lors d’un marché.

Les commerces locaux tels que les magasins de souvenirs, ou encore les restaurants, utilisent tous l’image de la mort dans chacun de leurs produits.

Et, comme pour donner une forme à cet endroit maudit, de nombreuses tours habillent la ville, à la manière des gratte-ciel de Céladopole. Ceux-ci sont en réalité des cimetières. Des endroits où l'on archive les personnes décédées.

Finalement, on pourrait presque considérer Lavanville comme une bibliothèque. Un endroit où l'on garde chaque tome qui constitue la grande histoire de notre pays, une fois que la dernière goutte d’encre y a été déposée.

À Kanto, nous ne pleurons pas nos morts. Nous prenons soin d’eux, dansons, et rions à leurs côtés. Jusqu’au jour où notre chemin se terminera, au sein des tours de Lavanville.


Aujourd’hui, ce ne sont pas les morts que je suis venue visiter.

Au cœur de cette ville morbide, se trouve également un petit établissement, qui tente de donner une chance de survie à celles et ceux qui auraient dû mourir dans le silence et dans l’ignorance.

Les Osselaits. Tel est le titre que l'on donne aux habitants de l’orphelinat, baptisé du même nom.

Alors que je traverse le portail grand ouvert, certains enfants, qui jouaient alors dans la cour, se tournent, interpellés par le claquement de mes talons sur le sol.

“C’est… OLGA !!”

“Quoi ? Olga ?!!!”

Rapidement, tout un troupeau de petits osselaits se forme autour de moi, m’empêchant d’avancer plus loin.

“Hey… Vous n'auriez pas grandis pendant que j’avais le dos tourné ?”

“OLGAAAA !!!”

“Qu’est-ce que tu fais là ? On est en août. Nouvel An c’est dans longtemps.”

Effectivement. J’ai pour tradition de venir fêter le début de chaque année à leurs côtés. Cela me permet de reprendre conscience des enjeux de mes batailles à venir.

“Quoi ? Je n’ai pas le droit de venir vous rendre visite quand je le veux ? Je suppose que je vais devoir partir avec ce sac rempli de jouets et ne revenir qu’au Nouvel An, dans ce cas.”

À l’instant où ils prennent conscience du contenu du sac que je transporte depuis le début, les petites canailles qui m’entourent se mettent à protester afin que je ne parte pas.

Je passe un moment à distribuer les nombreux jouets et vêtements que j’ai amenés avec moi. Et alors que les cris de joie des enfants résonnent dans la cour, de nouvelles têtes font leur apparition. Plus timides.

Ils ont dû rejoindre l'orphelinat cette année. J’en profite pour me présenter, les laissant également profiter du contenu de mon sac.


[Vert Feuille] Mechamon Iris - Page 3 Chapit10


Soudain, la porte du bâtiment s’ouvre, révélant alors la silhouette d’un vieil homme avec une longue barbe.

“Serait-ce un cadoizo qui se serait perdu dans notre cour ?”

“Bonjour, monsieur Fuji.”

Monsieur Fuji.

Nul ne connaît son vrai prénom. Cet homme en a tellement utilisé dans le passé, qu’il serait difficile, même pour lui, de se souvenir de comment ses parents l’ont appelé, autrefois.

D’origine johtonnaise, ce vieillard sert aujourd’hui de directeur et propriétaire de l’établissement.

Bien que son passé soit des plus douteux, il ne fait absolument aucun doute qu’il traite les enfants qui vivent ici avec énormément de bienveillance.

Laissant les osselaits découvrir leurs cadeaux, je rejoins le vieux Fuji à l’intérieur, mon sac presque vide sur l’épaule.

“Qu’est-ce qui t'amène ? Je suppose que tu n’es pas juste venue jouer avec les enfants.”

Attrapant mon paquet de cigarette avec ma seule main libre, j’en fais glisser une jusqu’à mes lèvres avant de me saisir de mon briquet.

“La Team Rocket est à ta recherche. La Ligue m'envoie donc te protéger.”

Alors que la flamme excessivement grande du briquet illumine le visage de mon ancien bienfaiteur, une expression sombre prend forme sur ses traits.

“La mafia, hein… Que cherchent-ils à accomplir cette fois…?”

“Probablement quelque chose de gros, vu qu’ils ont totalement abandonné la capitale il y a quelques jours.”

“Oh, oui, les journaux en ont parlé ! L’incident de Céladopole avec ces deux Soldats.”

J’aspire une grande gorgée du doux gaz toxique qui me brûle les poumons.

“Cette affaire-là est liée à une série d’incidents datant d’il y a plusieurs mois.”

“Ce n’est pas une année facile pour les kantonniens, hein…?”

“Ça n’a jamais été « facile » d’être kantonnien.”

Un silence de mort s’installe dans le hall de l'orphelinat. Seuls les rires et les cris des enfants se font entendre encore.

Après de longues secondes, je crache une grande quantité de fumée, reprenant alors la conversation.

“Tant que je suis là, j’aimerais régler une autre affaire.”

“Est-ce quelque chose sur laquelle je peux t’aider ?”

Je me saisis alors de mon téléphone, ouvrant des documents en rapport avec cette affaire, afin de débuter mon explication.

“Il y a dix ans, une petite fille originaire de Bourg-Palette, un petit village portuaire au sud du pays, a été transférée ici après que sa famille soit décédée lors d’un incendie. Ça te dit un truc ?”

Le vieillard reste de nouveau silencieux, quelques instants, faisant mine de réfléchir. Cependant, je sais d’avance qu’il a compris de quelle affaire je parle.

“On en a vu des enfants défiler dans ces couloirs ces dix dernières années, Olga. Si c’est de ma mémoire dont tu as besoin, j’ai bien peur de ne pas pouvoir te venir en aide.”

“Ne t’en fais pas pour ça. Ma mémoire, à moi, est encore très fraîche. Je me souviens de chaque gamin ayant rejoint cet établissement. Or, ce nom ne me dit rien.”

“Tu ne viens leur rendre visite qu’en début d’année. Certains enfants ne restent que quelques mois—”

“Ces documents datent de début décembre 151. Personne n'aurait pu l’adopter avant ma visite le premier janvier 152.”

“......”

Lâchant mon sac au sol, j’attrape puis écrase ce qu’il reste de ma clope dans mon poing, fixant le vieux Fuji d’un regard noir.

“Qu’est-ce que tu me caches…?”

“Tu n’as rien à y gagner… Cette histoire a déjà pris fin il y a des années. Elle repose désormais dans les ténèbres de Kanto.”

“Que s’est-il passé avec cette gamine, Fuji ?”

Ses jambes se mettent à trembler, tandis que je le confronte d’un ton glacial.

“...L.. La petite est morte, Olga… Peu de temps après son admission… Elle s’est ôté la vie…”

“Ce n’était donc pas un problème de mémoire, hein ? Elle est enterrée ici ?”

“Que cherches-tu à accomplir…?”

Je me penche vers mon sac, maintenant au sol, en extirpant mon ultime cadeau. Un présent spécialement réservé à la petite fille que je suis venue chercher.

“Une pelle…?! Olga !!! Tu ne peux pas—”

“Au contraire. J’ai une autorisation du Maître de la Ligue, stipulant que j’ai le droit de conduire mon enquête comme bon me semble. Sachez que j’apprécie la bienveillance avec laquelle vous avez élevé les osselaits. Cependant…”

Me rapprochant de son corps frêle, je passe mon visage à côté du sien, lui chuchotant quelques mots à l’oreille.

“...ma gentillesse, à moi, ne se limite qu’aux enfants. Je n’aurais absolument aucune pitié pour un vieillard qui, imaginons, aurait aidé certaines organisations criminelles à faire passer une gamine pour morte.”

Un mélange de sueur et de larmes coulent de long du visage de monsieur Fuji, alors que son corps continue de trembler.

“C.. Cet endroit transforme les ténèbres en lumière… Tout ce que j’ai fait, c’était pour le bien des enfants !!!”

“Le but de cet endroit a toujours été de rendre de l’espoir à ceux qui ont tout perdu. Et non pas de plonger une enfant dans le désespoir en lui prenant tout ce qu’elle avait.”




















Le regard vide, mes pas me guident dans cette ville ou l’absurdité n’a d’égale que mon hystérie.

Cela fait combien d'années, maintenant, que cette bande de lèche-cul m'appelle “Professeur”...?

Étrangement, ce n’est qu’aujourd’hui que je commence à prendre conscience du temps qui s’est écoulé, depuis la fin de la guerre.

Comme si mon cerveau s’était éteint lorsqu’Azul est mort.

Comme s’il s’était rallumé en le voyant toujours en vie.

Alors que cette idée me traverse l’esprit, mon regard se perd sur une flaque d’eau, reflétant ce qui semble être mon visage. Mon nouveau visage. Celui d’un fou.



“RAAAAAAH !!! STOP !!!”

Je ne peux m’empêcher, par réflexe, de piétiner, violemment, ce miroir répugnant.

Les passants, autour de moi, me fixent d’un air inquiet. Mais leur inquiétude se transforme rapidement en mépris.

Ha… Hahaha…

C'est ça… méprisez-moi.

Je suis au-dessus de tout cela. Vos vies n’ont aucune importance à mes yeux. Elles n’ont aucune importance aux yeux de Kanto et du monde.

Tout comme la vie de ceux qui croisent la route de mes Soldats.

Les journaux parlent d’incidents lorsqu’un pont s’écroule. Ils accusent mes cibles lorsqu’il y a des victimes collatérales.

Je suis le professeur Green.

L’atout principal de cette organisation qui vous sert de gouvernement !



Et pourtant…

Qu’ai-je obtenu en retour de toutes les vies que j’ai sacrifiées…?

J'hyperventile alors que mes pensées se perdent et s'entremêlent dans mon esprit.

Maman. Papa. Daisy. Grand-père. Bourg-Palette. Scarlett. Azul. Les villageois. Scarlett. Lance. Scarlett. Scarlett. Scarlett. Scarlett. Scarlett. Sca…aa…AAA—

“Monsieur ? Est-ce que tout va bien ?”

“Ah.”

Un type avec une corpulence plutôt imposante pose sa main sur mon épaule.

Les passants continuent de me fixer, d’un air encore plus suspicieux qu’au départ.

Je vois. Cet homme a sûrement pour objectif de jouer les héros en « s’occupant du fou qui dérange le quotidien des pauvres citoyens de cette ville ».

Aaah… J’ai horreur de ça. J’ai envie d’appeler mon Soldat pour le tuer, ici, face à tous ces minables.

Ensuite, je tirerais dans le tas, comptant le nombre de chanceux qui arrivent à fuir.

Mais je n’ai pas le temps pour ça…

Soupirant longuement, je pousse l'impertinent qui a osé poser sa main sur moi, poursuivant ma route.










La Tour Funèbre numéro trente-trois.

Un cimetière réservé aux soldats morts lors de la dernière guerre nous opposant à Johto.

Au cœur de cette bibliothèque, dans un livre perdu au milieu de tous les autres, se trouve mon secret le plus lourd.

Je ravale une dernière fois ma salive, avant de pénétrer dans ces lieux, d’un pas comportant le poids d’une vie toute entière.

Alors que je marche dans les couloirs sombres et silencieux de cet endroit, je m’imagine voir les pierres tombales qui m’entourent, toutes en forme de livres, s'ouvrir en même temps, dévoilant chacun une page de ma vie.


Le professeur Samuel Chen. Un homme réputé pour son génie scientifique. Ses recherches ont mené Kanto vers de nombreuses évolutions technologiques au cours de sa vie.

D’aussi loin que je me souvienne, ce vieillard a toujours été désagréable avec tout le monde. Mais les choses n’ont fait que de s’empirer lorsque son fils et sa belle-fille sont décédés.

À l’époque, je n’avais que cinq ans. Lorsque la mer a décidé de prendre la vie d’une poignée de marins appartenant au village. Mes parents inclus.

Personne ne sait exactement ce qu’il leur est arrivé. Beaucoup de monde pensait à une attaque de tentacruel, mais le fait est qu’il n’existe aucune preuve.

Ma famille a été brisée ce jour-là, et nous n’avions même pas le droit de savoir qui en était le responsable.

Les habitants de Bourg-Palette étaient dévastés. Nous n'étions pas les seuls à avoir perdu des proches lors de cet accident. Mais l’humanité a toujours su se souder afin de faire face à l’obscurité.

J’ai profité de cette bonté excessive qu’ils avaient. Je me suis réconforté auprès d’eux. À la moindre occasion, je n'hésitais pas à me tourner vers eux. Bourg-Palette était une grande famille à mes yeux.

Mais cette gentillesse ne se limitait qu’au village. Dès lors ou je me rendais en ville, pour x ou y raison, les autres enfants se montraient cruels à mon égard.

Qu’avais-je fait pour mériter ce traitement ? Était-ce car je n'étais pas l’un des leurs ? Car je n’avais plus de parents ?

La seule personne de mon âge que je pouvais considérer comme une amie, était une petite fille du village.

Ma voisine et rivale : Scarlett.

N’ayant personne d’autre avec qui jouer, car nous étions les deux seuls enfants du même âge à vivre ici, nous étions obligés de nous supporter.

Personnellement, cela ne m’a jamais posé de problème. Scarlett était une fille amusante, avec un répertoire d’idées infini lorsqu’il s'agissait de jeux ou de défis. Elle était la personne la plus compétitive qu’il m’ait été donné de connaître.

Je ne pouvais m’empêcher de l’admirer.

Une admiration qui finira par se transformer en amour.

Un amour pur et innocent. Le genre de sentiment dont on souffre. Le genre de souffrance dont l'on ne peut se passer.

Le temps s’écoulait doucement, et Scarlett était de plus en plus distante. Préférant jouer avec son stupide chat, plutôt qu’avec moi.  

Je m’en voulais tellement. Je m’en voulais de ne plus pouvoir me passer d’elle. Je m’en voulais de ne plus penser qu’à elle. Je m’en voulais de vouloir voir son animal de compagnie disparaître.

Et je m’en suis voulu, lorsque sa maison a brûlé, le même jour où des types louches sont venus me poser des questions à propos d’elle.



Était-ce de ma faute ?

……

Était-elle morte à cause de moi ?

………


Une fois de plus, mon esprit sombra dans le désespoir.

Il y avait un gouffre gigantesque dans mon âme. Et au fond de ce gouffre, se trouvait toute ma culpabilité.

J’avais de nouveau besoin de quelqu’un pour m’épauler. Je pensais pouvoir compter sur les villageois. Ils ne rejetteraient jamais un enfant de dix ans qui venait tout juste de perdre sa bien-aimée…pas vrai ?

Le mépris. Le dégoût. La haine.

Tels sont les sentiments que j’ai reçus en échange de mes larmes, de la part de ceux que je considérais comme ma seconde famille.

Ma sœur, Daisy, était la seule personne prête à me réconforter. Mais une enfant de six ans ne pouvait contenir toute ma tristesse.

Peu à peu, je ne me souciais plus de ce que les gens pouvaient penser de moi. J’ai commencé à m’imposer auprès des habitants du village, dont mon grand-père, qui, malgré son tempérament, finira par totalement ignorer mon existence, me laissant errer dans son labo.

C’est en l’observant, dans l’ombre, que mon intérêt pour les machines naquit. Mon grand-père était un génie capable de créer n'importe quoi.  

Si seulement, moi aussi, je possédais un tel pouvoir. Je pourrais créer n'importe quelle machine. Je ne m’ennuierais plus jamais. Je ne serai plus jamais triste. Plus personne n’oserais me regarder de haut.

Scarlett serait fière de moi. Elle me verrait enfin. Je pourrais être digne de vivre à ses côtés.


Des années durant, je me suis efforcé à apprendre et comprendre les notes du professeur Chen. En grandissant, je commençais également à m'intéresser aux travaux d’autres scientifiques, notamment ceux originaires de Hoenn.

Puis un jour, une opportunité en or s’est présentée à moi.

Une guerre entre Kanto et Johto.

Je n’en avais que faire des enjeux politiques ou moraux. Il fallait que je saute sur l’occasion afin de prouver ma valeur au monde.

Évitant la conscription en rejoignant l’équipe de mon grand-père, je profiterais de son manque total d'intérêt pour ma personne afin d’avancer dans mes propres recherches, développant mes propres machines de guerre. Mes propres Mechamon Soldats.

Malheureusement, je n’avais pas encore conscience de l’ampleur de cette tâche.

Malgré mon enthousiasme, personne ne voulait s’associer avec moi. Jusqu’au jour où Daisy est venue me présenter une personne qui changera ma vie à jamais.

Azul Leeves.

Un jeune homme partageant le même âge que moi. Il avait une apparence très efféminée, et semblait également avoir causé des soucis à mon grand-père, au point d’être ignoré à son tour.

Il était le candidat parfait. Tout comme moi, il n'avait personne si ce n'était ma sœur. Son seul souci étant sa phobie des Soldats. Mais nous avons rapidement trouvé une solution à cela.

Sa personnalité le rendait assez difficile à cerner. Si au départ je le trouvais distant, je compris rapidement qu’il n’était juste pas très bavard. Ou plutôt, pas autant que moi.

Il dégageait une aura de noblesse, comme si chaque mot et chaque action de sa part était calculée afin de paraître le plus élégant possible.

Bref. Azul était mon ami. Mon meilleur ami. Mon seul et unique ami. Il n’était pas là par obligation, ou par pitié. Et à ses côtés, j’en oubliais presque les heures les plus sombres de ma propre vie.

Nos efforts finiront par payer, un jour, lorsque la Ligue prendra possession du gouvernement. Ceux-ci s'intéressaient de près à nos travaux, nous proposant un rôle clé pour ce qui deviendra l’ultime bataille, dans la région de Tohjo.

Mais la veille de cette fameuse bataille, je fis la rencontre d’un autre homme qui changea également ma vie. Un homme aux intentions plus sombres.

Je ne le savais pas encore, mais cet homme était un diable, auquel j’étais sur le point de vendre mon âme.

Le Maître de la Ligue : Lance.

Aux premiers abords, il avait tout pour me rassurer. Une apparence élégante, forte et chaleureuse. Une voix profonde et témoignant d’un grand intérêt pour la personne avec qui il parlait. Des idées nobles et un grand amour pour notre patrie.

Au bout de ce qui me semblait être une très longue conversation, trop longue pour une personne de son rang, Lance me fit une proposition.

Rejoindre la Ligue lorsque la guerre sera terminée.

Je n’arrivais pas à y croire. Moi ? Un membre de l’élite de notre pays ? Quelqu’un d’aussi important que le Maître venait de valider tous mes efforts.

Je n’avais absolument aucune raison de dire non.

Jusqu’à ce que…

“Cependant, il nous faut d’abord vaincre notre ennemi, demain, sur le champ de bataille.”

“Ne vous inquiétez pas. Nous sommes plus que prêts, avec Azul. La bataille de demain sera—”

“Le problème vient justement de là, Green.”

“Ha ?”

“Azul Leeves… Il est le véritable ennemi dont nous devons nous méfier.”

J’étais perdu. Je ne comprenais pas. Pourquoi, soudain, parlait-il de mon acolyte comme d’un ennemi ?

“Le seul facteur qui pourrait nous empêcher de remporter cette bataille… la guerre… c’est lui.”

“V.. Vous dites ça car il refuse de tuer d’autres soldats ? Je peux comprendre votre inquiétude, mais Azul aura un rôle de support, le Venus-R est une unité qui—”

“Nous avons des éléments prouvant qu’Azul Leeves est un traître à notre patrie. Il travaille pour Johto, et ce, depuis le début.”

Je ne savais pas qui croire. Ses mots étaient insensés. Azul ne pouvait être un traître. C’était impossible. Il ne faisait que suivre les principes dictés par sa famille.

“Les principes de sa famille ne sont qu’une excuse afin de cacher ses véritables intentions. Ainsi, il pouvait limiter les dégâts causés aux flottes johtonnaises, rejoindre l’équipe du professeur Chen, envoyer des informations confidentielles à Johto, le tout sans se mouiller, car notre cher espion est soi-disant phobique des mechas.”

“Non… C’est impossible… Azul, il—”

“Il profite de ta confiance afin de retourner la situation au dernier moment. Le Venus-R est une unité parfaite pour un espion tel que lui.”



Quand bien même…

Azul était mon ami. Mon seul et unique ami. Et je n’avais aucun attachement particulier envers Kanto.

S’il voulait se battre pour les johtonnais, alors il fallait que je lui en parle. Que je lui explique qu’il pouvait me faire confiance. Que je l’aiderais.

“La vraie mission que nous avons pour toi, Green, consiste à l’éliminer.”

“...ha ? V.. Vous voulez que je le…”

“Tue. Tue Azul Leeves. Tu es le seul en qui il a confiance.”

“Attendez !!! Je ne peux pa—”

“Réfléchi bien avant de dire non. Si tu élimines ce traître, en échange, tu seras accueilli en héros. Tu auras une position assurée au sein de la Ligue. Et puis…”

Je sentais mon coeur se déchaîner dans ma poitrine. Le stress avait un goût acide dans ma gorge. Je ne voulais pas entendre un mot de plus. Ce type essayait de me pousser à tuer mon ami. Ses mots était dangereux, je devais vite m’extirper de cette conversation—

“Nous avons retrouvé la trace d’une jeune fille, originaire de ce village. Son nom est Scarlett, si je ne m’abuse.”

…?!!!

“Elle est toujours en vie, Green. Nous avons les moyens de vous réunir, toi et elle.”

S.. Scar…

À cet instant, les images du passé sont toutes remontées à la surface. Comme si le gouffre qui s’était formé, il y a longtemps, qu’Azul avait réussi à sécuriser depuis, s’était soudainement transformé en lac.

Au fond de ces eaux sombres, se trouvait une lumière. Un espoir.

Mais était-ce une raison suffisante pour tuer mon meilleur ami ?

S̷͔̐͒̆͝c̶͕͈̳͇̘̺̲̭̦̼̲̞̩̽̌͒͆̂̎͑́̚͝͝͠ą̵̧̤̠̖̳̲̱͉̣͇̭̳͙̇̓̈́́͠ṛ̸̛͕̖͈̜͔̀̈́͑̃͛ļ̸̡̨̛̬̟̺̻͇̈́̂̆͊͊͌͒͛̽͊̚͜͠ͅę̵̨̞̣͙͎̘̣̖̐̈́͛̉͐̀͑̍̚͝t̷̝̮̠̤̩̹̥͈̑̽̒̆̂͒̑͒͜͝ͅt̷̛͕̫̫͂́̈͐.̵̧̨̙̯̣͈̳̫͙̟̣̳̠̾͋̿͐.̶̢̢̛̗̫͖͚̂́͌̃͂̏̾̔̑̊̅͐̇.̵͔̫̆̏̊͊̂̾͑͘̕


Il est la seule personne m'ayant accepté pour qui je suis.

Scař̷̛̛͙̣͓̯̄͂̀̿͊͝ͅl̶̢̩̠͕͙̙̲̭̻̱̳̦͈̲̔ͅĕ̶̢̢̟̲̬̻̞͕̪̉͊́͗̈́̇͒̀̏̀̕͠͝͝ͅț̵͍̹̬̏̇̾t̵͓̮̘̥͇̼͆ͅ.̴̟͈̺̻̥̱̬͕̮̺̺̥͋͛̌̈́̽̔̇̆͑́̐̇͑͗̕.̸̡̺̣͎̱̖͖̰͓̦̻͎̤̂͜.̶̢̨̭̹̲̠͚̳͍̙̰͍͖͑͑͐̄̽͑́̚͜


Non… Je ne dois pas l’écouter. Azul est mon se̷u̷l̷ ̷e̷t̵ ̶u̷n̶i̶q̷u̸e̶—̴

—SCARLETT—



L̴̺͑ȃ̶͓ṉ̵̿c̶̦̀ȇ̸̻ ̷̻̾ȧ̸̳ ̸͔͒r̴̜̓ȁ̵̝ị̷̛s̷͍͊o̴̼̊n̴͕̿.̸͓̑

Les chances pour qu’Ạ̶͇͆̓z̸͙̀ȗ̴͉̕l̶͇͖̔̉ soit un traître sont trop grandes. Il y a même des preuves. Oui… C’est une évidence quand on y pense.

Si je ne tue pas A̸͍̙̯̎̑̚ẕ̵͂̇̽u̵̺̻̠͝l̵̢̜̠͛̀͠, alors A̵̯̬͎͉̓͋z̵̝̮͉̿̌̋͌u̶̦͔̣̍̽̑l̷̨̠̳̲͂͠ me tuera.

Il n’a jamais été mon ami. Tout le monde m’a toujours méprisé, alors pourquoi serait-il différent des autres ? C’est évident. A̵̲̝̔̿̒̋z̴̤̣̖͙̅̈́̒͗̚͜ṷ̴̡̥̯͂͂͒̄̾ļ̴̳̣̹̮̌͐̏̃ me manipule.



J̸̢̛́͑͆͛͆̾̅͋̈́́̕̕͝͠e̴̮̞̾͆̅̓̐ ̸̡̫̭͉̦̙̬̯̥̦̦̻̫̙̭̽̓̀͋́̐̒̋͘̚̚͜ͅͅl̶̨̧̙̘̬̻̜̺̫̬̗͎̝̼̗̱̥͚͔̘͉̾͜ͅę̵͉͓͔̪̰̦͍̭̙̮̹̝̮̥̱̪̞̔̀̀́̈́̓͆̆̀̂̃̆̊͒̾̽̚̚͝ͅ ̶̛̯̤̣̝̘̖͇̜̲̗̖͙̜̹̯̐͂͋̒̈́͒͑͌̎̀̇̎̄̄͂̌͊̕̚̕͜͠ͅt̶̛͈̟̞̤̦̣̪̝̮͍̔͌͊͒̈́͛̉̕ú̸̡̡̧̼̩̭̼͎̦̯͔͋̅̈́̑̄́͗͐͛͑̎̊̒́͐̎͘͘͘̚ë̶̛̼͓̖̭̮̮͓̥̟̣͍͖͉̭̩͎̩͕͍̄͂͌̏͋̈̌̇̈́̈́̒̏̀̂͋͘͜ͅr̸͎̟̓̏͐͗͑̅͌͋̓̌͌̑̓̋͘̚ą̸̛̩͔͚̪͓̝̖͊̐̄́̈̈́̈́̇͌̓̄͋̒̏́̄͘̕̚͝ḯ̵͍͆̑́͛̄͋͋̓͊́̍̚̚s̴̡͉̞͒̑̉̐͛̓̃̍.̷̙̀̈́͆̓͛̀̊̇͑̉͗̈́̓̅͒͘  Et je reverrai Scarlett. Je lui dirais ce que je ressens. Je lui montrerais tout ce que j’ai accompli. Je rattraperais toutes ces années perdues… Je lui donnerais tout l’amour qu’elle n’a jamais reçu…



Ainsi, le jour fatidique arriva.

J’ai programmé le Venus-R afin que, lorsque j’envoie un signal spécifique, celui-ci affiche des données erronées.

Le but était de forcer son pilote à déployer un champ de force sur le Blast-0, le rendant ainsi vulnérable.

“AZUL !! DÉPLOIE LE CHAMP DE FORCE SUR LE BLAST !!!”

Il le fit. Sans hésiter.


Un sourire se dessina sur mes lèvres. C’était si simple. Trop simple. Tu es un idiot, A̶̫̬͛̓͊̊́̋̃͒̒͌͂́̽̀͐̃z̵̙̗̜̻̥̥͖͔̥̼̯̦͍̀͒̒̇͗́̾̄̅͐́̄͛̑̃͑̂̊̃ư̵̛͔̺͎͓̞͊̀̈́̆̈́͐͂̀́̌͐͑̓̓̈́̚͝l̴̡͍͍͉̄͗̏ͅ .

Alors que je m'apprêtais à appuyer sur la gâchette, je me rendis compte d’une chose : les muscles de ma main étaient bloqués.

Je tremble.

“Ha…?”

T̸u̷e̵-̴l̵e̶,̵ ̷a̸v̴a̸n̷t̴ ̵q̸u̴’̶i̸l̵ ̵n̴e̷ ̸t̶e̷ ̴t̵u̷e̶.̸ ̴



Click.










Je sors de ce rêve éveillé, me rendant compte que j’étais déjà arrivé à ma destination depuis un moment maintenant.

Un livre de pierre très spécifique, au milieu de milliers d’autres.

Un livre dont le titre est le nom de son protagoniste.

Azul Leeves.

Alors tu n’es pas mort…hein…?

Peut-être est-ce pour cela que je n’ai jamais revu ma bien-aimée… Car tu es toujours en vie.

Non seulement j’ai failli à ma mission, mais en plus, c’est auprès de toi qu’elle se trouve à présent…

“Ahahah—”

Click.

Ah ?

J’entends un bruit métallique résonnant autour de moi. Me retournant, je me rends compte qu’une dizaine d’hommes vêtus de noir me pointent avec des flingues.

“Tu n’es pas le professeur Fuji.”

Oh. Ils sont déjà là. Je ne les pensais pas suffisamment cons pour mordre à l’hameçon. Mais ça simplifie les choses, j’imagine.

“Tu pensais nous la mettre à l’envers ? Allez, répond !”

“Le professeur Fuji… hmmm…”

“JE VAIS TE PLOMBER SI TU NE RÉPONDS PAS VITE !!!”

“Il n’est pas ici. Oh, mais ça, vous l'avez sûrement déjà deviné… Ahahah.”

Ils se mettent à chuchoter entre eux, sous-entendant que le vieux est encore dans son orphelinat, qu’une deuxième équipe s’y dirige dans tous les cas.

“Vos amis sont partis le chercher à l’orphelinat, vous dites ? Avec Olga sur place, j’ai bien peur qu’ils n’aient pas plus de chance que vous.”

“De quoi il parle ?”, demande l’un d’entre eux.

“Aucune idée. Flinguons-le et partons d’ici.”, répondit un autre.

“Partir ? Vous ne comprenez pas ? Cette tour… SERA VOTRE TOMBEAU !!!”

En appuyant sur un bouton de ma pokéball, dissimulée dans ma poche, j’ordonne au Shift-3, qui se trouvait alors en mode furtif, de l’autre côté de la paroi, de lancer une pluie de lames sur la tour.

Celles-ci me frôlent, tranchant légèrement le tissu de ma chemise avant de transformer les sbires en face de moi en viande hachée.

Un véritable spectacle sanguinaire, faisant de la pièce une scène écarlate.

Certains de ces idiots tenteront de me tirer dessus, tout en lâchant leur dernier hurlement d’agonie, mais les lames de mon Soldat me protégeront des projectiles.

Finalement, plus aucun bruit ne se fera entendre, si ce n’est celui de mes éclats.

Aah… Qu’est-ce que ça fait du bien…

Je retire mes lunettes, essayant de nettoyer les verres tachés de sang sur ma chemise, tout en me rapprochant doucement du dernier homme encore en vie suite à ce carnage.

“J’ai programmé cette attaque afin qu’elle ne laisse qu’un seul survivant, en plus de moi. Félicitations ! Tu as remporté la loterie de la vie !!”

Attendant quelques secondes pour voir s’il a quelque chose à dire. Un discours de gagnant ou autre. Je finis par me pencher vers lui, reprenant la parole en constatant que notre vainqueur est bien trop surpris (ou traumatisé ?) pour parler.

“Tu sais quoi…? Je viens d’avoir une idée. Tu vas contacter ton boss, et lui dire que le professeur Fuji ne viendra pas. Cependant, un autre professeur, plus compétent, est prêt à négocier afin de prendre son rôle.”


Après m’être redressé, je me retourne en direction du mur explosé par les lames de mon mecha.



…sérieusement…?

La seule tombe intacte, au milieu de tous ces débris, est celle de cet enfoiré.

“Azul… Peu importe le nombre de pactes que je devrais passer avec le diable… Peu importe le nombre de fois où je devrais te tuer…”

Allumant une clope, je pose mon pied sur la pierre tombale, puis pousse doucement celle-ci vers le vide.

“Si cela peut me permettre de la revoir, alors je le ferai…”

J’aspire, puis expire la fumée noire du tabac en regardant l’épitaphe de mon vieil ami se briser sur le trottoir, au pied de la tour.

“...je te tuerais.”





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