Chapitre 30 - Déception

 V - Parmanie


Chapitre 30 - Déception

Il existe une forêt, au sud de Kanto, considérée comme l’un des endroits les plus dangereux du pays.

Entourée de falaises et entièrement couverte d’un épais brouillard, la Forêt Spectrale rend honneur à sa réputation, et reste, encore aujourd’hui, un site rempli de mythes et légendes.

Cela fait maintenant plus d’une heure que je marche dans cet endroit sinistre, accompagné d’Ember et Erika.

Comme je l’imaginais, personne n’a osé nous poursuivre jusqu’ici. Les raisons sont multiples, mais je dois néanmoins avouer que le résultat est plus que satisfaisant.

Cependant, il n’est pas simple de se déplacer dans un lieu où le moindre faux pas équivaut à une chute libre de plusieurs vingtaines de mètres.

Car oui, le sol de cette région est un véritable gruyère, en vue du nombre de gouffres plus ou moins dissimulés dans les bois.

Ces cavités mortelles nous seront très utiles pour la suite. Certaines d'entre elles sont suffisamment spacieuses pour y dissimuler un Soldat. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait pour l’Eevolv, peu de temps après notre atterrissage.

Il est maintenant temps de faire la même chose pour notre nouvelle recrue.

“Le Proto-Vyzard, hein…?”

“C’est le nom que je lui ai donné à l’époque. Il faut dire qu’il ressemble beaucoup au Chevalier Dragon.”, me répond Erika, nous montrant qu’elle en sait plus à propos de ces machines que ce dont on pourrait s’attendre d’une fille de son âge.

Je suppose que ce hobby lui est venu naturellement en emménageant dans un endroit ayant appartenu à l'éminent professeur Chen.

“Ember. Juste pour confirmer, tu n’as aucune pokéball, ni aucun appareil du genre sur toi, pas vrai ?”

“Non. Mais il n’en a pas besoin.”

“Hah ? Comment tu sais ça ?”

La jeune adolescente regarde son mecha d’un air troublé.

“C’est difficile à expliquer… Tout à l’heure, sur la moto, j’ai eu hyper mal à la tête. C’était comme si quelque chose me tapait directement dans le cerveau. Puis la BAAAM mon corps s’est mis à bouger tout seul, comme si je savais que le poto vicelard allait venir nous sauver.”

“S’il te plaît, retient au moins son nom, Ember…”

Je comprends ce que ressent Erika, mais il y a plus urgent que cette histoire de nom.

“De quoi tu t’es souvenue, précisément ?”

“Hmm… J’en sais rien ! Je sais juste comment on fait bouger ce gros robot !!”

Il est évident qu’il existe un lien entre elle et cette machine. De plus, le Proto-Vyzard a été créé par le professeur Chen. Ce même homme qui gardait cette gamine dans une cuve avant les événements d’Argenta.

Sans parler du drone, qui est en ce moment même incrusté dans la tête du mystérieux Soldat. Lorsque nous l’avons vu pour la première fois, il poursuivait Ember dans son école. Était-il attiré par elle ? Était-ce pour cela qu’il semblait incontrôlable, au point de détruire tout sur son passage ?

Je prends note de tout cela dans un coin de ma tête. Ce n’est pas comme si je pouvais faire quoi que ce soit de ces informations pour le moment.

“Tu sais comment ouvrir le cockpit ?”

Comme pour répondre à ma question, la jeune fille se rapproche de sa machine, posant sa main contre la cuirasse de celle-ci. Soudain, les portes de son cockpit s’ouvrent au niveau du buste.

Décidément, rien n’est jamais normal avec elle…

Après un long soupire, j’entreprends d’escalader le petit chevalier dragon, qui est effectivement plus petit que l’Eevolv au passage.

Une fois au niveau du cockpit, j’entre à l’intérieur de celui-ci afin d’en apprendre plus.

“HEY !! C’EST MON SUPER ROBOT !!! TU AS DÉJÀ TON CHIEN DE FEU, TOI !!!”

“T’en fais pas, je ne fais qu’inspecter. Je te rends ton jouet dès que j’ai fini.”

“Vous savez qu’il était chez moi, à la base, ce robot…”, ajoute Erika, sachant pertinemment que sa remarque serait ignorée.

C’est étrange. Le cockpit est très spacieux, surtout pour une machine de cette taille. Pour preuve, je me tiens debout dedans. Car oui, il n’y a pas de siège à l’intérieur. Ni de clavier d’ailleurs. Juste des écrans recouvrant toute la paroi.

Est-il incomplet ? Je veux dire, c’est de toute évidence un prototype, donc ce serait plutôt logique. Mais est-il terminé au moins ?

“WOUAAAH !!! IL Y A ASSEZ DE PLACE POUR FAIRE UNE CHAMBRE !! TROP BIEN !”

Je réponds à Ember qui m’a rejoint entre-temps :

“Je suis désolé de ruiner tes rêves de la sorte, mais cette machine ne pourra pas nous suivre. Nous allons la dissimuler, tout comme l’Eevolv.”

Je guide la jeune adolescente, maintenant déçue, en dehors du Soldat, avant qu’elle ne referme le cockpit derrière nous.

“C’est dommage… Mais je comprends. C’est une arme giga forte qu’il ne faut sortir qu’en cas de danger, tout comme le robot chien !”

“En parlant de ça. Nous allons devoir établir des règles.”

“HEIN ?! ENCORE DES RÈGLES ?!!”

Comment ça « encore des règles » ? Ce n’est pas comme si j’étais si stricte que ça envers elle. Justement, je ne le suis clairement pas assez.

“Écoute-moi, Ember. Les Soldats sont des machines dangereuses. Elles ont été conçues pour tuer. Tu comprends ça ?”

Ces mots sont efficaces, comme en témoigne la réaction de ma partenaire, qui me regarde désormais d’un ton pâle.

“Tu n’as aucune expérience sur le champ de bataille. Faire appel à cette machine sans aucune connaissance peut être dangereux. Pour toi, et ceux qui t’entourent.”

“Mais je sais m’en servir—”

“Ça ne veut rien dire.”

La jeune fille me regarde, bouche bée, ne s’attendant probablement pas à ce que je hausse le ton.

“L’issue d’un combat ne dépend pas uniquement de ta machine. Je t’en parlerai plus en détail un autre jour. Pour le moment, sache que je t’interdis de faire appel au Proto-Vyzard sans mon autorisation.”

Son poing se serre tandis que ses cheveux obscurcissent son regard, la tête baissée. Je savais qu’elle le prendrait mal.

“Je nous ai sauvés tout à l'heure… Alors pourquoi tu ne me fais pas confiance…?”

“Tu nous as sauvés, car l’ennemi était pris au dépourvu. Si l’ennemi avait évité ton attaque, le combat se serait poursuivi, et tu n’aurais eu aucune chance.”

“C’est pas vrai !!!”

“Si tu manques de maturité pour le reconnaître, alors j’ai bien peur que tu ne sois pas prête à piloter cet engin.”

Avant qu’Ember n’ait le temps de rappliquer, Erika s’interpose entre nous deux, son expression trahissant un certain niveau de panique.

“Calmez-vous ! Ça ne sert à rien de se prendre la tête pour ça !”

“Tu as raison. On devrait se dépêcher, si on veut atteindre Parmanie avant la tombée de la nuit.”

Nous nous regardons avec ma cousine, tandis que notre pré-ado de service semble décidée à nous tourner le dos, soufflant du nez.

Je hausse les épaules, tentant de faire comprendre à la jeune femme que c’est peine perdue, mais celle-ci se racla la gorge avant de reprendre la parole.

“Parmanie… Ce n’est pas une grande ville, mais j’ai entendu dire que les paysages sont très impressionnants !!”

Bien tenté. Mais il en faudra plus pour conquérir le cœur d’une gamine aussi immature.

“Oh ! Je sais ! Parmanie est réputée pour ses vagues gigantesques, non ? Il y a des surfeurs du monde entier qui s’y rendent pour relever le défis !!!”, ajoute Erika dans un élan de désespoir.

Ember commence à se tourner, lentement, vers nous. Ses joues sont toujours gonflées et ses sourcils froncés, comme pour faire sa difficile malgré le fait que son intérêt ait été piqué.

Cependant, je vais, une fois de plus, devoir jouer le rôle de l’antagoniste dans cette histoire.

“Nous n’irons probablement pas en ville. Ni à la plage, d’ailleurs. Mais oui, j’imagine qu’il s'agit d’une des quelques attractions que propose Parmanie…”

Je savais que mes mots ne lui plairaient pas, mais je ne pensais pas voir un tel défilé d’émotions négatives.

D’abord le choc émotionnel de voir ses rêves, aussitôt créés, aussitôt détruits. Puis le désespoir dans son regard, en me voyant comme l’annonciateur de toutes les mauvaises nouvelles. Enfin, les jambes tremblant de haine, un sentiment qu’elle a de plus en plus de mal à contenir.

Erika me lance également un regard noir, maintenant. Je vais devoir rattraper le coup.

“M.. Mais il y a quelque chose de plus cool que le surf là où nous allons ! Ember, tu as déjà entendu parler des ninjas ?”

Nouveau défilé d’émotions. Positives cette fois.

Nouveau choc émotionnel, traduit dans un regard scintillant plein d’espoir. Et toujours des tremblements, mais plus frénétiques, au point qu’à un moment, l’excitation devient trop grande et la force à sauter sur place.

“DES NINJAS ?! DES VRAIS ?!!”


Parmanie est une petite ville au sud du pays, réputée pour ses paysages impressionnants ainsi que ses vagues gigantesques. Mais ce que les gens ignorent, c’est que cette ville n’est en réalité qu’une façade.

Celle-ci est entièrement gérée par des personnes appartenant à un certain groupe. Leur rôle est justement d’attirer l’attention sur la ville, afin de la détourner de cet endroit funeste qu’est la Forêt Spectrale.

Car oui. Quelque part, au cœur de cette forêt, se trouve la seule et véritable Parmanie. Un village caché dans la brume, habité par un clan de mercenaires à l’histoire aussi longue que celle de Kanto.

Le clan Fuschia. Des ninjas. Des mercenaires spécialisés dans les missions furtives, acceptant des tâches aux quatre coins du globe.

Je transmets tout ce savoir à mes compagnons tandis que nous finissons de couvrir le Proto-Vyzard de feuilles et de branches, afin de le dissimuler.

“C'est trop cool !!! Et on va les voir ?!”

“Oui. Mais ce sont des personnes dangereuses. C’est pourquoi j’aimerais vraiment que tu gardes ta langue dans ta poche.”

“P.. Promis !”

Tandis qu’Ember semble avoir déjà oublié notre petite dispute de tout à l’heure, Erika a le regard fixe en direction du vide, semblant réfléchir.

“Des mercenaires…?”

“Le clan Fuschia est étroitement lié au clan Kimono ainsi qu’à la famille Leeves. De plus, ils ne sont liés à aucun gouvernement. Ils sont peut-être notre dernier espoir.”

L’expression sur le visage de la jeune femme se rigidifie sur des traits plus déterminés en entendant mes mots.

“Dans ce cas, ne perdons pas un instant de plus. On te suit, Azul.”










Après plus d’une heure de marche dans les bois, nous arrivons au niveau d’une clairière.

Je stoppe la marche et fait signe aux filles de faire de même.

Il m’est arrivé, une fois, quand j’étais enfant, de venir ici avec mon père. Celui-ci insistait, à l’époque, pour que je retienne les routes menant à cette clairière, car il s’agit du point d’interception pour les personnes visitant le village de Parmanie.

Comme dit plus tôt, le clan Fuschia est censé être proche de la famille Leeves. Il devait donc penser que j’aurais besoin de revenir ici, un jour, lorsque j’aurais repris le dojo.

Bref. Le fait est qu’il avait à moitié raison.

Après cinq longues minutes de silence, bercé par les cris de chasse des roucoups, une sensation normalement familière, mais étrange dans cette situation, nous parvient.

Du vent.

Contrairement au reste de la forêt, qui subit le souffle provenant de la mer entourant la région, la clairière dans laquelle nous sommes est totalement protégée par une barrière naturelle constituée d’arbres robustes.

Rapidement, la silhouette d’un homme sortant d’entre les arbres se rapproche de nous. Celui-ci est vêtu d’une tenue de ranger.

Il s’agit d’une précaution de leur part. Au cas où les visiteurs ne seraient que des personnes égarées.

Je décide de nous faire gagner du temps à tous en ouvrant le dialogue avant qu’il ne nous sorte son script.

Levant les bras en l’air, je fais signe à mes partenaires afin qu'elles fassent de même.

“Nous venons en paix. C’est au sujet d’une requête concernant le clan Kimono. Pourriez-vous nous escorter jusqu’à votre boss ?”

L’homme, qui jusqu’alors émanait une aura de bienveillance, s’arrête à une vingtaine de mètres de nous. Quelque chose a changé chez lui. Son regard semble désormais dépourvu de toute émotion.

Le vent se lève de nouveau, tandis que je ressens une présence se rapprocher dangereusement de moi, dans mon dos.

Mon instinct me crie d’intercepter ce qu’il traduit comme étant une menace. Mais je retiens mes muscles de toutes mes forces, les empêchant de réagir. Il ne faut pas que j’aie l’air hostile.

Soudain, accompagné d’un sifflement métallique, je sens une lame se poser délicatement sous ma gorge.

“Ne faites plus un geste, ou cette personne mourra.”

Ember et Erika se tournent vers moi, une expression d’horreur se dessinant sur leur visage.


[Vert Feuille] Mechamon Iris - Page 3 Chapit15


La première s’apprête à hurler, quand la deuxième la retient, posant sa main sur sa bouche en lui chuchotant de rester calme. Ce, alors que le regard de cette dernière trahit une panique plus qu’évidente.

Je me remets à fixer le faux ranger en face de nous, évitant tout geste brusque pour que son ami le ninja ne m’égorge pas par mégarde.

“Nous n’avons été prévenus d’aucune visite. Qui êtes-vous ?”

“J'appartiens à la famille Leeves. Et cette fille est membre du clan Kimono. Si nous ne vous avons pas prévenus, c’est car nous n’avons pas eu le temps de le faire. La situation est urgente.”

“Vous avez un moyen de prouver vos dires ?”

“Je…J’ai mes papiers si vous le souhaitez !”, répond Erika, en bégayant.

“Rien ne nous prouve qu’ils ne sont pas falsifiés.”

Je reprends la parole, une goutte de sueur coulant le long de mon visage, s’écrasant sur la lame du kunai de mon assaillant.

“Vous avez sûrement eu vent des événements d’hier, à la capitale. La Team Rocket s’est attaquée à cette jeune fille, que j’ai protégée en utilisant mon Soldat. Ce même Soldat qui nous a permis de fuir la Ligue pour rejoindre la Forêt Spectrale. Je peux vous donner l’emplacement ou nous l’avons dissimulé.”

“...Vous affirmez donc être Azul Leeves ?”

“Cela devrait au moins confirmer mon identité. Quant à celle d’Erika Kimono, je pense que les confirmations se feront d’elles même.”

Après cinq secondes de réflexion, notre interlocuteur finit par claquer des doigts. Deux autres ninjas, vêtues de noir intégral, le visage dissimulé, apparaissent soudainement à ses côtés.

Il leur parle tout bas, sans même faire bouger ses lèvres. Le niveau de méfiance de ce groupe m’étonnera toujours autant… Mais c’est probablement ce qui justifie leur existence jusqu’à présent.

Lorsqu’il a fini de donner ses ordres, un des deux mercenaires disparaît à nouveau, ne laissant qu’un courant d’air derrière lui. Le deuxième, quant à lui, se rapproche de nous en marchant.

“Nous allons vous fouiller et prendre tout ce qui pourrait vous servir d’arme. Ensuite, nous verrons si une audience vous est consacrée ou non.”

“Faites donc.”

Comme il l’a dit, son subordonné nous retire tout ce qui pourrait servir d’arme : couteaux, taser, flingues, stylos, etc.

Même les pokéball y passent. Oui, les pokéballs. J’en prends toujours deux sur moi, une étant la vraie servant à appeler l’Eevolv, et la deuxième n’étant qu’un leurre au cas où.

Dans le cas présent, nous pourrons nous en servir pour leur faire croire qu’il s'agit de celle du Proto-Vyzard.

“Dites… Vous pouvez lâcher Azul maintenant…? S'il vous plaît…”

Ember…

Le ninja qui nous fouillait jusqu’à présent se tourne vers elle, posant sa main sur la tête de la jeune fille, lui caressant le crâne afin de la rassurer.

Son ami le « ranger » répond à son tour.

“Nous ne lui ferons aucun mal. Ce n’est qu’une précaution. Alors cesse de t'inquiéter.”

Le regard de ma jeune partenaire se tourne vers moi. Ces mêmes yeux de chien battu qui m’ont souvent coûté cher financièrement…

Je lui souris afin de la rassurer.


Après quelques longues minutes de silence, le collègue de notre « ami » le ninja réapparaît, chuchotant quelques mots à son supérieur.

“Bien. Nous allons vous escorter jusqu’au village. Koga vous attend.”






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