Chapitre 1 - Le chemin dans les cendres

 

I - Argenta

Chapitre 1 - Le chemin dans les cendres

Bourg Palette. Un endroit discret et reculé, par delà de la Route 01, faisant face à la mer.


On pourrait penser qu’un tel endroit serait le site parfait pour des vacances paisibles à l'écart des grandes villes mais, en réalité, le bourg n’est pas équipé pour recevoir des touristes, et le seul banc de sable qui s’y trouve est réservé aux quelques bateaux de pêche appartenant aux villageois.


En outre, il n’existe aucune raison pour que quelqu’un se rende à Bourg Palette.Ou du moins, c’est ce que j’aurais dit si ce trou pommé n’était pas la tanière du plus illustre scientifique de tout Kanto.


Cela fait deux ans que je n’ai pas posé les pieds sur ces chemins de terre.



Et je ne vais pas vous cacher que je ne souhaitais pas vraiment y remettre les pieds.



Huit heures du matin.


Notre voiture vient tout juste d’arriver à destination: le laboratoire du professeur Chen.


Ou du moins…ce qu’il en reste.


Par dessus les épaules de la petite foule de villageois qui fixent la scène, je peu voir que ce qui était autrefois un petit laboratoire aux formes d’une maison de

campagne s’est entre-temps transformé en un amas de pierres carbonisées, de poutres en charbon et divers meubles explosés dans tous les sens.


Alors que les personnes sur place sont occupées à chercher si un corps pourrait se trouver sous les débris, pour ma part, je concentre plutôt mon attention en direction de ce qui était autrefois le garage.


Si le corps n’est plus en vie, alors il n’aura plus aucune valeur. La vraie question est si un corps est parvenu à partir avant le drame d’hier.


…


Bingo


Bien que très peu visible à cause du bordel sur place, il y a encore des traces de pneus dans la terre.


Le professeur n’est pas le genre de personne à sortir, ou même à recevoir de la visite.


De plus, cela fait au moins deux ans qu’il ne travaille plus sur aucun projet. Il est donc peu probable qu’il s’agisse d’une livraison.


Dans tous les cas, ces empreintes de véhicule me redonnent espoir sur la survie du vieil homme.


Je décide donc de quitter les lieux, faisant signe à mon acolyte, qui est encore dans la voiture, de m’attendre quelque part.


Direction la demeure des Chen.











Les personnes ayant connu le professeur savent qu’il n’a ni pour habitude, ni pour projet de sortir de son laboratoire.


De ce fait, bien que celui-ci ait une maison à son nom au nord de Bourg Palette, les chances pour le trouver là bas sont quasiment nulles.


Mais malgré cela, un détail, ou une anomalie, créent un sentiment de trouble dans l'esprit des personnes l'ayant connu, encore à ce jour.


La maison des Chen était parfaitement entretenue. Elle était même la maison la plus rayonnante du quartier.


Bon, le fait qu’elle soit voisine d’une ruine abandonnée aidait à la mettre en valeur, mais je pense que même sans cette comparaison leur maison resterait au sommet du classement.


Tout était parfaitement propre. La peinture sur les murs extérieurs semblait toujours aussi fraîche. Le jardin parfaitement entretenu, habillé de fleurs violettes dont je ne connais pas le nom.


Les plus attentifs d’entre vous auront déjà remarqué que la raison de l’entretien de la propriété est dûe au fait que le professeur n’en est pas le seul habitant.

Après tout, on parle DES Chen depuis le début…


Mais pour avoir connu le professeur personnellement, l’idée qu’un tel homme ait réussi à fonder une famille est probablement la vraie anomalie de cette histoire…


Bref, réunissant le peu de motivation que j’ai en moi a cet instant, j’appuie sur la sonnette.


Peu de temps après, la voix d’une jeune femme, me demandant de patienter un instant, viens retentir de l’autre coté de la porte.


Vingt minutes.


Il s'agit du temps que je perdis en patientant “un instant”.


Alors que ma patience atteint ses limites, je vois enfin la porte d’entrée s’entre-ouvrir, dévoilant légèrement le visage de la personne coupable de tous mes maux. Daisy Chen.


Elle doit avoir environ dix-sept ans maintenant.


Jeune femme blonde aux cheveux longs, avec un bandeau empêchant ses cheveux d’envahir son champ de vision. Colle roulé blanc couvert par une robe salopette verte.


Ouaip. Elle n’a pas changé.


“Excusez-moi… Mon grand-père est mort hier et… euh… On ne sait pas encore si c’est genre… contagieux…?”


Dit-elle en bégayant. Son visage se couvre de plus en plus de sueur à chaque seconde qui s’écoule.


Et pourtant, je suis sûr qu’elle n’a toujours pas remarquée à qui elle parlait, vu comment son regard évite mon visage comme la peste.


“Si ça ne vous dérange pas de repasser…hah ?”


Ah. Son regard s’est enfin posé sur moi.





“AZUL ?!! OH MON DIEU OUI !!! ”


Pour une raison que j’ignore, voir ses lèvres bouger pour prononcer mon prénom a pour effet d’accentuer ma haine.


Serait-ce car je ne souhaitais pas revenir en premier lieu ?


Ou car elle m’a fait poireauter vingt minutes pour se maquiller et se parfumer ?


Non… C’est plutôt parce-que…


“Ton grand-père est mort ? Alors arrête de sourire comme une obsédée.”


“AZU..uul…?


“Mourir dans un tir de plasma, ou même dans un incendie n’est pas contagieux.”


“E..En effet…”


“Arrête de prendre les gens pour des cons quand ton QI ne dépasse pas celui d’un rat mort.”


“J..Je te trouve un peu dur la…”


“Et quant à ton maquillage–”


“OK JE M’EXCUSE PARDON !!!”












Me voilà maintenant dans le salon de la maison des Chen.


Après avoir confessé mes sentiments les plus sombres à la jeune fille, celle-ci me proposa d’entrer en me suppliant.


Mais alors qu’elle arrive avec deux tasses de café en main, un grand sourire aux lèvres, tout en fredonnant joyeusement… Je sens que ma nature sombre refait surface.


Évitons juste de perdre davantage de temps.


Je soupire longuement afin d’expulser ma haine, attendant que Daisy s’installe à son tour sur un des fauteuils


J’ouvre alors le dialogue.


“Alors ?”


“J’adore ton nouveau style ! Cette coupe te donne à la fois un effet mignon et sauva-”


“Le professeur.”


“A..Ah oui… Désolée.”


Attrapant la tasse qu’elle avait placée sur la table une minute plus tôt, j’entreprend de souffler sur son contenu afin de le refroidir en attendant qu’elle me raconte sa version de l’histoire.


“Il est parti hier en fin d’après-midi, après avoir chargé un camion de marchandise.”


“Il a dit où il allait ?”


“Je l’ai entendu parler de Johto avec son stagiaire… Mais je ne suis sûre de rien.”


Il à donc bien réussi à s’enfuir. Quelqu’un a dû le prévenir.


Et il serait parti pour Johto ? Non. Elle n’en est pas sûre donc il pourrait s’agir d’une fausse piste.


“Il est passé ici avant de partir ? Dans la semaine peut-être ?”


“Non. Mais son stagiaire est venu pour m’expliquer que mon grand-père était en danger, et que si des gens me posaient des questions je devais couper court à la conversation.”


Est-ce qu’elle se rend compte qu’elle à déjà failli à la seule et unique mission qu’on lui avait donné ? Peu importe.



S’il n’est pas passé chez lui et que son labo est en cendre, alors je ne trouverais plus aucune piste supplémentaire vis-à-vis de son emplacement actuel.


Je suppose qu’il ne nous reste plus qu'à nous rabattre sur des suppositions…


Johto.


Factuellement, si quelqu’un en veut à votre vie, fuir dans un autre pays est une solution.


Cependant, quand ce quelqu’un est le gouvernement, et que celui-ci a annexé le pays vers lequel vous fuyez, la solution devient plus discutable.


Pour atteindre Johto depuis Kanto, il y a trois solutions: le train, la marche, ou la mer.


Les trains sont contrôlés par la ligue, et les frontières terrestres aussi. Il reste donc la mer.


Partir de Bourg-Palette serait le plus court. Mais aucun bateau ne part d’ici pour prendre de si longues distances.


Il aurait été repéré instantanément.


De plus, comme Daisy l’a précisé plus tôt, il est parti avec un camion de marchandise en direction de la route 01.


Donc s’il souhaite quitter Kanto depuis la mer, il se dirige probablement en direction d’un port dans lequel les entrées et sorties de bateaux sont fréquentes. Et dont les navires parcourent de longues distances.



Ayant terminé de boire le café offert par mon hôte, je me lève enfin du sofa sur lequel j’étais confortablement installé, remerciant Daisy pour l'accueil.


“Quoi ?! Tu pars déjà ?!! Mais tu viens juste de-”


“A+.”


Ne lui laissant pas l’occasion de me voler une minute de plus de mon temps, je m’empresse de quitter la maison des Chen afin de rejoindre mon acolyte dans la voiture garée un peu plus loin.



“Eh beh, je l’ai vue te sauter dessus quand elle t’a ouvert la porte. T’es un putain de Don Juan.”


Dit-elle en ricanant, tandis que je m’installais sur le siège passager.


“Il est en vie. On part direction Carmin-sur-Mer.”


“Via le tunnel ?”


“Non. Via Argenta.”

 

 

 

 

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