Chapitre 2 - La ville d’argent

 


I - Argenta

Chapitre 2 - La ville d’argent

Aimez-vous le camping ?

Le fait de se poser au cœur des bois. D’allumer son propre feu de camp qui, par la suite, sera votre seule source de lumière et de chaleur afin de vous protéger des ténèbres de la nuit. De récolter votre propre nourriture dans la nature.

Et si vous n’êtes pas seul, de profiter de l’ambiance presque féerique afin de vous rapprocher de votre bien aimée…

Moi j’adore le camping.

Ou du moins, c’est ce que j’imaginais avant de devoir partager ma première expérience avec un vieil aigri de soixante-six ans.

“Professeur… Ne restez pas trop près du feu-”

“Ta gueule stagiaire.”

Comme chaque fois que quelqu’un m’appelle “stagiaire”, je me contente de soupirer en réponse. Comme un automatisme de self-control.

Alors que je me prépare à lui expliquer, pour la soixante-dixième fois cette semaine, que je suis son assistant et non pas son stagiaire, le vieil homme ajoute:

“Reprenons la route !”

“Mais il fait nuit !”

“Justement ! Je veux dormir dans un lit.”

“Si nous entrons dans Argenta avec le camion a cette heure-ci on peut être sûrs de se faire griller !”

Le professeur se remet alors à bouder face au feu de camp.


Nous avons quitté Bourg Palette plus tôt dans la journée afin d’éviter une mort potentiellement certaine suite à de précieuses informations fournies au professeur en début de semaine.

Il semblerait que la Ligue souhaite se débarrasser de lui, alors qu’aujourd’hui il n’est plus qu’un vieux crouton passant ses journées à lire les journaux puis à en faire les mots croisés.

Imaginez. Lorsque j’ai pris ce job je pensais travailler avec le plus illustre scientifique de tout Kanto.

La réalité c’est que je passe mes journée a faire ses corvées et à jouer sur le pc du labo lors de ses heures de sieste.

Et maintenant ma vie est en danger car le gouvernement a peur d’un retraité.


Mais bon. Essayons de rester positifs et profitons de ce camping !

Aillant fini de préparer ce qui nous servira de nourriture ce soir, je me rapproche du feu, et donc du professeur.

C’est avec mon plus beau sourire que je lui présente ma dernière création:

“Professeur ! Ressaisissez-vous ! Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons communier avec la nature !”

“ Qu’est-ce qu..”

“Je nous ai préparé des brochettes de rattata. Il n’y a plus qu'à les réchauffer et-”





“NE T’APPROCHE PAS DE MOI ESPÈCE DE TARÉ !!“

La dernière image que je verrais avant de sombrer dans les abysses sera celle d’une pierre à quelques centimètres de mon visage…

…comme pour m’exploser le crâne.











Le lendemain. Quatorze heures.

Le professeur aura eu du mal à me réveiller ce matin.

Rien d’étrange jusqu'à la. J’ai l’habitude de ne pas me réveiller avant midi sans sonnerie.

Ce qui m’interroge, en revanche, c’est le fait que je ne me souviens d’absolument rien vis-à-vis d’hier soir.


Nous sommes enfin entrés dans Argenta. La ville d’argent.

Celle-ci porte ce nom depuis le moyen âge.

Elle a toujours été une ville minière, dont la ressource principale était le fer, mais les nobles de l’époque semblaient plus intéressés par l’argent qui pouvait en sortir.

Aujourd’hui Argenta est une ville riche en histoire de par ses nombreux musées et sites archéologiques.

Bien que Kanto ne manque pas de ce genre de sites depuis la révolution des soldats mécaniques.

Mais les pièces servant à l'histoire (et surtout à rien d’autres) sont généralement envoyées à Argenta afin d’être étudiées et exposées dans un musée.


C’est donc au cœur d’une ville de pierre, montrant sa fierté pour son histoire au reste du monde via des architectures très anachroniques que notre camion roule sans s’arrêter.

“Arrêtons-nous un moment à Argenta.”

Négligeant notre situation actuelle, le professeur revient à l’assaut avec un de ses caprices.

Je sais parfaitement que la raison n’a aucun effet sur lui. Bien que je ne me souvienne pas des événements ayant précédé mon sommeil, je suis à peu près sûr qu’il devait être à l'origine de cette amnésie.

De ce fait, je me contente de lui fournir la seule réponse capable de satisfaire nos besoins et son caprice à la fois.

“Non.”


Et le revoilà en train de bouder, le visage tourné vers la vitre.

Parfois je me demande vraiment comment cet homme est parvenu à fonder une famille. Haha.

Grrruuiiiiiiiiii

Ha ?

Le visage pâle, trempé de sueur, le professeur se tourne enfin dans ma direction.

Ses yeux me témoignent un mélange de détresse, de haine et un grain de folie.

J’ai un mauvais préssentiment…

“Nous aurons tous les deux à supporter l’odeur de tes brochettes d’hier si tu n’arrêtes pas la voiture.”


AU DIABLE LA DISCRÉTION !

Je sent le poids d’une vie sur mon pied alors que celui-ci s’enfonce sur l'accélérateur.

Plutôt mourir dans un accident en emportant une famille toute entière que de lâcher mon dernier souffle en aspirant ce que ce vieillard est en train de fermenter !

Vingt-quatre ans d'expérience en jeux de bagnoles qui finiront par payer dans une course contre la montre au cœur d’Argenta.

Si on m’avait dit ça à l’époque… Je n’aurais jamais envoyé mon CV à ce type !!


La course se termine finalement sur un dérapage de plusieurs mètres, emportant poubelles, bancs, barrières. Mais surtout l'intégralité de mes espoirs, en direction d’une station service.

J’ignore si la peur a fait de moi un Newtype, ou si tout simplement l'adrénaline me rend extra lucide, mais mon odorat me conforte dans le sentiment que son repas n’avait pas fait demi-tour en cours de route.

Maintenant je n’ai plus qu'à escorter papi jusqu’aux toilettes afin que son sphincter ne rende pas l’âme avant lui.










Une heure.

C’est le temps qu’il aura fallu au démon pour quitter le corps de notre cher professeur.

S’il existait encore des personnes doutant de sa survie à la Ligue, les hurlements qui sortaient des toilettes les ont probablement convaincus…

Et lorsqu’il sortît enfin, ce n’est ni son stagiaire, ni son assistant qui l’attendait.

Lorsque le professeur Chen sort des toilettes, c’est son assistant, les mains menottées, accompagné d’une bonne dizaine de policiers qui l’attendent.

Oui, je sais ce que vous devez penser. C’était prévisible.

Ce qui l’était moins, c’est que dix minutes après notre arrivée sportive dans cette station service, le contenu à l’arrière du camion se faisait la malle via une ouverture créée par les poubelles, les bancs, les barrières ainsi que mes espoirs balayés lors du dérapage.  

Contenu de type humain. Feminin. Mesurant un mètre vingt et ne portant aucun vêtement.

Comment allons-nous expliquer ça à la police ?

Est-ce encore trop tard pour mourir…?




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[Fiche perso: Samuel Chen]

 

 

 

 





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