Chapitre 4 - Kanto sous un voile gris

 

I - Argenta


Chapitre 4 - Kanto sous un voile gris

Environ quinze heures.

Nous sommes enfin à Argenta.

Mais nous n’avons pas le temps de nous arrêter. Le professeur est sûrement encore loin devant nous.

S’il se dirige vers Carmin-sur-Mer comme je l’imagine, alors sa prochaine escale sera Azuria.

Maggy doit être fatiguée après avoir roulé non-stop durant tout ce temps.

Le peu de pauses que nous avons fait dans des stations services ont à peine duré 5 minutes le temps d’un plein.

D’ailleurs nous devrions en profiter pour faire un dernier plein avant de traverser le tunnel menant à Azuria.


Je me tourne alors vers mon acolyte.

“Maggy.”

“...”

Comme je le pensais, elle est complètement H.S.

Si je veux pouvoir rattraper le professeur Chen avant qu’il n’arrive aux “plages de l’aube”, je vais d’abord devoir donner de la motivation à mon chauffeur.

“Je dois dire que tu es une As du volant.”

“...Ha ?”

Ok. J’ai son attention.

“De tous les membres de l’organisation, tu es sûrement la meilleure pilote.”

“Azul…? Tu es malade ? Tu as mangé du rattata ou quelque chose comme ça ??”

Manger du rattata…? Je la complimente et c’est comme ça qu’elle me remercie ? En essayant de me faire vomir ?

“Laisse tomber. J’aurais mieux fait de me taire.”


Après deux minutes de silence, je tourne discrètement mon regard vers elle.

Je vais bien devoir lui dire de s’arrêter à une station avant qu’on ne quitte la ville…



Elle n’a plus du tout l’air H.S !

Elle sourit bêtement en regardant à peine la route !

“Une As du volant… He… Hehehe…”

Ok.

Je regrette.

Cette situation est bien plus répugnante que de bouffer du rattata.

“Fait un dernier plein avant de quitter Argenta.”

“Hmmm ? Tu boudes encore, Azul ?”

“Je t’ai fait un compliment. Ne me force pas à le retirer.”

“Hahahahah…C’est trop tard pour ça très cher !”

Je vais la buter et retrouver le professeur seul.

“Mais du coup je comprend mieux… Hmhm…”

“...Quoi ?”

“La raison pour laquelle tu ne voulais pas alterner au volant…C’est parce que tu as hon-”

“Crève.”


Alors que nous arrivons aux abords d’une station, je fait signe à Maggy pour qu’elle ralentisse.

Quelque chose cloche.

Qu’est-ce que les trois quarts du comico d’Argenta viennent foutre dans une station service ? Un braquage ?

Mais c’est alors que je vois, menottés et poussés à l’intérieur d’une des voitures de police, un homme à lunettes, cheveux bruns frisés, chemise blanche et pantalon beige, accompagné d’un vieillard.



Le professeur Chen !

Comment as-t’il fait pour se faire choper aussi rapidement ?

Est-ce la Ligue qui lui a tendu un piège ici ? À Argenta ?

Dans tous les cas cette situation est surprenante, mais voyons les choses positivement:

Je n’ai plus besoin de le chercher.










Environ dix-huit heures trente.

J’ai dû faire appel à plusieurs contacts au sein de l’organisation, mais la situation est beaucoup plus claire à présent.

La Ligue n’y est pour rien.

Apparemment ils seraient arrêtés pour excès de vitesse, destruction de biens publics, mise en danger de la vie d’autrui et… potentiellement du trafic d’être humain…?

Le professeur que je connaissais n’avait aucun intérêt pour les êtres humains.


Dans tous les cas, me voici au commissariat de police d'Argenta.

En tirant les bonnes ficelles nous avons réussi à négocier avec les forces de l’ordre afin qu’ils oublient cette affaire.

Cela peut vous sembler étonnant, mais Kanto est un pays soumis à certaines forces opérant dans l’ombre.

Notre organisation est l’une d’entre elles.


Bref, je vois une des policières qui était présente à la station sortir du comico en claquant la porte.

Je peux comprendre sa frustration, mais si elle avait rejoint la police par soif de justice alors la pauvre n’est probablement pas au bout de ses peines.

Et voilà le professeur, accompagné de ce qui doit être son stagiaire.

“Oh ! Mais c’est Azul ! Drôle de coïncidence de se retrouver ici, au commissariat d’Argenta !”

“Ce n’est ni drôle, ni une coïncidence professeur.”

“Hm, alors tu doit être mon sauveur. Je te demanderais bien comment tu as fait pour nous sortir de ce bourbier mais j’ai bien peur d’avoir la réponse à cette question.”

Tandis que nous parlons tranquillement dans le hall du comico, je vois le stagiaire du professeur s’agiter en tirant la manche de ce dernier.

Le pauvre n’a probablement pas prévu de se retrouver dans ce genre de situation un jour dans sa vie.

“Mais dis-moi, tu as été drôlement rapide. Tu étais déjà dans le coin, non ?”

“En effet, on m’a demandé de vous escorter et de garantir votre survie.”

“Ahh, il est bon d’avoir des amis avec le bras long. Cependant j’ai bien peur de ne pas pouvoir quitter Argenta de suite. Vois-tu j’ai…égaré quelque chose.”

Son stagiaire continue de lui tirer le bras de manière encore plus insistante.

Ne me dites pas qu’il s'agit de ce à quoi je pense…

“C’est une très longue histoire. Mais pour la faire courte, je cherche une créature de type humanoïde, mesurant environ un mètre vingt, aux cheveux noirs et longs. Très longs.”

Soudain, le stagiaire, perdant patience, attrape le vieil homme par le col, lui hurlant dessus:

“ECOUTEZ-MOI BON SANG ! DEPUIS TOUT À L'HEURE J’ESSAIE DE VOUS DIRE QUE LA GAMINE EST LA, AU COMPTOIR !!”

“Ah.”

Ah.


Effectivement. Une gamine avec de longs cheveux noirs, coiffée dans une sorte de queue de cheval grotesque, portant une blouse blanche (qui au passage est beaucoup trop grande pour elle) se trouve au comptoir, aux côtés d’un type immense.

Mais pourquoi est-ce que le professeur la recherche ?

Alors que je commençais à me demander si je ne m’étais pas trompé de professeur Chen, celui-ci s’approcha de la petite fille.

“Hey la mioche ! On t’a cherché partout !”

Cherché partout ? Je suis à peu près sûr qu’il a passé l’après-midi en garde-à-vue…

L’homme l’accompagnant se tourne alors vers la gamine afin de lui demander si elle connaît le vieillard.

Chose à laquelle elle répond d’un non sec, direct et décisif.

“Azul !! File-moi un coup de main !!”

…professeur…

“Pourquoi me fixes-tu sans rien dire ? T’étais pas censé m’aider à la base ?!”

Tout le monde me regarde en attendant une quelconque intervention de ma part.

Je me contente donc de détourner le regard. De honte.

C’est alors que le stagiaire, pensant probablement avoir la solution afin de convaincre l’homme de deux mètres de haut, pose sa main sur le dos de celui-ci, lui offrant un grand sourire.

“Elle dormait encore à l’arrière de notre camionnette ce matin. C’est après que la police ne nous ait interpellés qu’elle s’est enfuie. Haha.”



Quoi ?

Ce sont ces personnes que je dois protéger ?

Actuellement, j’ai juste envie d’aider ce type à briser le cou des deux individus louches en face de moi.


Je le laisse déverser sa haine sur les deux débiles, et concentre de nouveau mon attention sur la petite.

Celle-ci me fixe intensément depuis que le professeur à mentionner ma présence.  

Est-ce qu’elle me connait ?

Ou est-ce que ma tête ne lui revient pas ?

Au bout d’une bonne minute à se fixer mutuellement, son visage semble prendre soudainement une couleur pourpre.

Elle doit simplement être timide.

Peu importe.


Je devrais sûrement faire quelque chose.

Le géant est sur le point d’étrangler les deux personnes que je suis censé sauver. Et ce ne sont pas les policiers qui le retiennent qui vont l’en empêcher.

“Euh… Je pense qu’il doit s'agir d’un malen-”

Soudain, la voix de la petite fille retentit dans tout le hall.

“P..Pa..Pu..PIERRE !”

Tout le monde se tourne alors dans sa direction, l’homme enragé inclus.

“Tu peux frapper le papi et le mouton… Mais par pitié laisse le monsieur avec une tête de fille m’enlever !!”



Saloperie de gamine.

Les deux prétendus scientifiques se mettent à hurler en réponse à la remarque de la petite fille, mais heureusement pour eux, ce qui semble être Pierre, l’homme de deux mètres qui les tenaient par le cou, se calme légèrement.

Je lâche alors le plus long des soupirs de l’histoire des soupirs, avant de me retourner vers lui.

“Pierre je suppose ? Mon nom est Azul. Le vieux que vous êtes en train d'agresser est le professeur Chen. J’imagine que vous devez le connaître ne serait-ce que de nom ?”

“Chen…?”

Il regarde le vieillard d’un air surpris.

Pas étonnant, ce vieux crouton est censé être respecté et reconnu dans tout le pays.

“Je suis aussi perdu que vous actuellement. Mais le professeur que je connais n’a aucun intérêt pour ses semblables. Que diriez-vous qu’on le laisse s’expliquer avant de l'exécuter publiquement ?”










Vingt heures.

Pierre s’est enfin calmé après que le professeur lui ait expliqué la situation, de manière très résumée.

La gamine serait donc une orpheline malade qu’il gardait à l’intérieur d’une cuve afin de préserver sa santé.

Connaissant le vieu, cela me surprend qu’il ait fait autant d’effort pour un enfant, mais il ne semble pas mentir.

De plus, les restes de la cuve étaient bien présents à l'arrière de son camion.

Cela explique donc pourquoi elle était nue dans un musée, ainsi que sa perte de mémoire.


Bref, Pierre nous a invités à venir manger chez lui.

Enfin, je dis “invités” mais il nous a plutôt forcés, sous peine de ne pas laisser la petite repartir avec nous.

Je pense qu’il ne fait pas encore totalement confiance au professeur.

Et la raison à cela est plutôt évidente lorsqu’on arrive chez lui.

Quinze.

Il s’agit du nombre d’enfants présents, foutant le bordel dans la maison du paléontologue.

“Ce sont mes frères et sœurs. Ils ont entre deux et treize ans.”

“Ah oui ! Vos parent n’ont pas chô-”

D’un coup de coude net au niveau de l’abdomen, je fait taire le stagiaire imprudent.

Nous le laissons alors sur le sol du hall d'entrée, et rejoignons la salle à manger.


Le repas fut une véritable épreuve pour les nerfs.

Je ne sais pas comment fait Pierre pour manger tous les jours entouré du chaos dans sa forme la plus pure.

Mais heureusement pour nous, non seulement les enfants ne semblent pas très à l’aise à côté de moi et du professeur, mais en plus Maggy semble posséder un don pour les rassembler.

Je profite donc de ceci pour lui dire de les occuper dans une autre pièce le temps que nous parlons avec le grand frère.


Entre temps, Pierre à déjà sorti une paire de ciseaux d’un tiroir et commençais à couper habilement les cheveux de la petite.

Il suffit de voir son regard pour comprendre qu’elle est terrifiée par cette idée.

Je me tourne donc vers le professeur.

“Vous avez dit que la gamine avait une maladie rare ? De quoi s'agit-il exactement ?”

Si la survie de l’enfant dépend vraiment de sa présence dans une cuve alors je peux comprendre qu’il soit nécessaire qu’elle nous suive.

Mais si ce n’est pas le cas alors je préférerais qu’elle reste ici, à Argenta, avec Pierre.

“À vrai dire, sa vie n’est pas en danger actuellement. Mais celle de ceux qui l’entourent pourrait l’être à terme.”

“C’est une sorte de virus ?”

Le professeur soupire longuement à la suite de cette remarque de ma part.

Je sens qu’il ne souhaite vraiment pas élaborer sur la situation de l’enfant, mais ça ne fait que le rendre encore plus louche.

“C’est à la fois plus simple et plus compliqué que ça, Azul. Tu as dû voir des choses sombres lors de tes missions au sein de ton organisation, non ? Dis-toi juste que l’histoire de cette fille est de la même nature que ces choses.”



Je vois.

Effectivement, ces dernières années, j’ai pu assister a des choses dont je ne suspectais pas l'existence.

La guerre qui déchira Kanto et Johto aura servi de parfait exemple sur ce qui fait de l’être humain un être à la fois répugnant et terrifiant.

Je ne peux prétendre comprendre la nature de la situation dans laquelle se trouve cet enfant. Mais s’il s’agit du même genre de “chose” auxquelles j’ai fait référence…

…alors effectivement, on ne peut pas la laisser à Argenta.


“Bouge pas, je risquerais de te couper une oreille !”

Pierre était encore en train de s’occuper de la coiffure de notre orpheline.

Mais si elle était déjà tremblante de base, maintenant on dirait plutôt qu’elle vibre de peur de perdre une oreille…

“D’ailleurs, si vous la connaissez si bien, vous devez savoir comment elle s’appelle non ?”

Ah.

Maintenant c’est au tour du professeur de trembler comme une feuille, détournant le regard du reste de la table.

“E..Est-ce qu’elle à réellement besoin d’un nom…?”

“Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne réponse, professeur…”

Le stagiaire n’a pas tort.

J’aimerais que l'on convainc Pierre au plus vite pour reprendre la route.

Et ce n’est pas en aillant l’air encore plus louche que le géant nous lâchera la grappe.


Mais alors qu’il leva les ciseaux d’un air fière, prêt à nous présenter son nouveau chef d’oeuvre–



La terre se mit à trembler.















Je ne le savais pas encore, mais cet événement changera nos vies à jamais.

Nous mêlant dans une aventure chaotique.

Une guerre de l’ombre, entre nous et le reste du monde.

Au nom d’une fille qui avait perdu le sien.




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