Chapitre 8 - Les bras au ciel

 


II - Azuria

Chapitre 8 - Les bras au ciel

Bourg Palette. Un endroit discret et reculé, par delà de la Route 01, faisant face à la mer.

Bien que je ne sois pas né ici, il y a toujours cette sorte de sentiment étrange qui m'envahit à chaque fois que je pose les pieds dans ce village.

Comme si je revenais là où tout à commencé.

Le bruit des vagues s'écrasant sur la plage. La douce brise marine. Le chant des oiseaux.

Cette tranquillité est une source d’angoisse infernale.

“Azul…”

…!

Cette voix…

Je me retourne doucement, les battements de mon cœur résonnant dans mon crâne comme les bruits d’un tambour.

Ces cheveux roux décoiffés. Ces yeux couleur émeraude brillants dans l’obscurité.

“Gree-”

Une violente sensation d’étranglement m’interromp avant que je ne puisse finir ma phrase.

Ses mains se serrent puissamment autour de mon cou.

Son visage s’approche à quelques centimètres du mien tandis qu’un soupçon de folie se dessine dans son regard.

“Lorsque nous nous reverrons…-

JE T’ENVERRAIS EN ENFER À TON TOUR !!”










J’ouvre finalement les yeux, m’extirpant de ce fichu cauchemar.

La respiration saccadée (probablement car je me faisait étrangler par Morphée), je regarde autour de moi.

Il semblerait que je sois dans une sorte de hangar, au centre duquel se trouve mon Eevolv.

Poussant un long soupire de soulagement, je me réjouis d’être de retour dans la réalité.

Mieux vaut être ligoté dans le coin d’un hangar sombre plutôt que de mourir à nouveau de la main de cet enfoiré. À Bourg Palette qui plus est…


“Ah ! Tu t’es enfin réveillé à ce que je vois !”

Une voix familière retentit dans la pièce.

Mais bien que je soit sûr de connaitre cette voix, pour une raison quelconque, je suis incapable de poser un nom dessus.

En levant les yeux dans la direction du son, une image des plus perturbantes fait son apparition.

Une personne déguisée dans une sorte de pyjama-lapin horrible s’avance vers moi.

“Ça va ? On dirait que tu viens de voir un fantôme.”

“...j’aurais préféré ça.”

La chose qui me sert d’interlocuteur pose alors ses mains sur ses hanches avant de me fixer de la tête aux pieds à travers son masque ridicule.

“Hmm…C'était donc toi le pilote du Soldat furry…”

“Pardon ?”

“Un furry. C’est une sorte d’animal avec des caractéristiques humaines-”

“Ne met pas l’Eevolv dans le même panier que toi s’il te plait.”

“Hey ! Tu peux garder ton mépris pour toi ! C’est moi qui ai sauvé ton cul hier !!”


Hein ?

J’ai été sauvé par cette chose ? Moi ?



Je crois que ça me revient.

Un type mystérieux avait hacké le système de mon mécha afin de me donner la position de l’ennemi.

C’est donc pour ça que sa voix me semblait étrangement familière.

“Attends. Comment ça hier ?”

“Ah oui, tu as passé ton temps dans les vapes. Tu étais dans un sale état quand je t’ai récupéré avec ton Soldat.”

Il s'accroupit alors à mon niveau avant d’appuyer sur mes côtes avec son index.

“Ôte tes mains de moi, sale dégénéré !!!”

“T’es sûr d’être un humain normalement constitué…? T’avais plusieurs côtes cassées hier.”

“Et puis t’es qui d’abord ?!”

Il se redresse alors, soupirant en faisant mine de se frotter la tête, toujours à travers son masque débile.

“Toujours aussi poli alors que je viens de te dire que tu me dois la vie…Bref. Je m’appelle Léo. J’suis un ancien étudiant du professeur que tu tenais en otage pas plus tard qu’hier.”

Ça explique pourquoi je suis ligoté.

“Pourquoi m’avoir aidé ?”

“Je viens de te le dire. Je suis un ancien étudiant du prof Chen. Et t’étais la meilleure option pour le sauver donc-”

“Je parle d’après. Pourquoi t’es-tu donné la peine de me transporter jusqu’ici ?”


Plusieurs longues secondes s’écoulent alors dans un silence de mort.

“À ton avis ?”

“À mon avis ça ne fait aucun sens. À la limite que tu souhaites récupérer l’Eevolv, je comprendrais. Mais qu’est-ce que je fout ici ?”

“T’as vraiment l’esprit étroit…”

“Pour reprendre tes mots: tu peux garder ton mépri pour toi-”

“La ferme.”

Le ton dans sa voix est devenu beaucoup plus froid soudainement.

“Tu le fais exprès d’être détestable ? Ou c’est juste que tu n’as pas de coeur ?”

“Je ne vois pas le rapport.”

“Le rapport, c’est qu’effectivement, si ça ne tenait qu’à moi, je me serais contenté de récupérer ton Soldat en te laissant sur la route, en cadeau à la Ligue. Mais la gamine que tu étais prêt à laisser crever m’a supplié de te sauver la vie !!!




Elle est vraiment naïve…

Cependant, Léo à raison. Je suis une personne détestable.

Peu importe les raisons, le fait est que j’étais à deux doigts de laisser mourir une enfant et un innocent.

Mais je me suis fait la promesse, il y a longtemps, de ne me battre que pour mes propres intérêts.


“Ou sont-ils maintenant…?”

“Ember et le prof sont partis faire un tour à Azuria, pour remonter le moral de la petite. Quant au stagiaire, ou à l'assistant, peu importe, il se repose chez moi. Le gars était dans un état pire que le tien quand je l’ai trouvé.”

“Je vois…merci.”










Plusieurs heures se sont écoulées sans qu’un seul mot ne soit échangé.

Les seuls sons ambiants étant ceux de Léo, finissant de réparer l’Eevolv avec l’aide d’un groupe d'araignées mécaniques devant mesurer cinquantes centimètres à vu de nez.

Pour ma part, je suis toujours ligoté au même endroit, un sandwich posé à côté de moi.

Bien que je sois sûr d’avoir suivi mes propres principes à la lettre, je ne parviens pas à trouver la force de toucher à la nourriture qui m’a été offerte.

Un sentiment de culpabilité me hante depuis que j’ai appris ce que Ember à fait.


Soudain, la porte du hangar s’ouvre.

Le professeur Chen…

“Hmm… Je vois que tu es réveillé.”

Il se tourne alors vers Léo, lui demandant de nous laisser seuls un moment, ce que le jeune…furry ??? fait sans poser de questions.


Après avoir tiré une chaise en face de moi, le vieux sexagénaire se pose sur celle-ci, non sans lâcher un petit gémissement de douleur, ou de soulagement, qui sait.

“Je suis sûrement la dernière personne dont tu voudrais recevoir des leçons de morale.”

“Pas la dernière. Mais on n’y est pas loin, oui.”

Il pouffe de rire suite à ma réponse, puis me montre le sandwich posé à côté de moi.

Je devine qu’il veut sûrement le manger, vu que je n’y toucherais pas de toute manière.

Après que je lui ai tendu ma nourriture, le professeur ôte le contenu du sac en papier avant d’en prendre une grande bouchée.

“Tu sais, Azul, tu es pour moi ce que ce sandwich est pour toi.”

“Je ne suis pas sûr d’être réceptif à vos blagues, professeur.”

“C’est parce que tu culpabilises que tu refuses d’y toucher, ai-je tort ? Ben c’est pareil. De toutes les personnes sur Terre, tu es la seule que je ne peux me permettre de haïr.”

“Car vous culpabilisez…?”

Encore une bouchée.

“Nous nous ressemblons sur beaucoup de points tu sais. Moi aussi, je me suis laissé consommer par la haine autrefois. Beaucoup de drames ont touchés ma famille, à commencer par la mort de ma femme, puis mon fils et sa compagne. J’ai fini par me fermer aux autres.”

“Je me suis toujours dis que le fait que vous aviez réussi à fonder une famille malgré votre tempérament relevait du miracle.”

“Je n’ai pas toujours été comme ça. Mais bref, le fait est que la tristesse m’a fait perdre de vue ce qui comptait le plus au final. J’ai oublié mon rôle de grand-père, et ai éduqué mes petits-enfants dans le mépris. Et si Daisy à pu trouver de la force auprès de ses amis, les choses n’ont jamais été aussi simples pour…”



Green.


Le professeur soupire longuement, remballant le reste du sandwich dans son sac en papier avant de poursuivre.

“Tu as dû l’entendre, toi aussi. Hier, après votre combat.”

Oui. La voix qui à retenti après que le Soldat ennemi ait battu en retraite.

Je n’ai absolument aucun doute sur l’identité de celui à qui elle appartenait.

“Je vais t’épargner le suspense, c’était à moi qu’il s’adressait.”

Ha ?

“Je me doutais que cela puisse être le cas, ce depuis le jours ou…bref. Green est un membre de la Ligue. Cela ne fait aucun doute.”

La Ligue ?

Un nombre incalculable de questions bouleverse mon esprit.

Je ne sais plus quoi penser…

Depuis que je me suis réveillé, les informations s’enchaînent et mes émotions ont du mal à suivre.


Le vieil homme se lève alors difficilement de sa chaise.

“Attendez !”

Alors qu’il commençait à prendre la chaise afin de la ranger, le professeur Chen se tourne de nouveau vers moi.

“Vous allez me trouver culotté, après mon comportement d’hier…mais j’aimerais parler du passé avec vous.”

Sans répondre, celui-ci repose la chaise au sol, puis s'assoit de nouveau dessus.

“Désolé…”

“Ne le soit pas. Je te l’ai dit, nous nous ressemblons, toi et moi. J’ose donc supposer que le passé dont tu souhaites me faire part est un sujet difficile à aborder.”

Le professeur Chen.

S’il y a bien une personne sur Terre avec qui je peux parler de cela, c’est bien lui.

Un sujet que j’ai toujours esquivé, peu importe la situation.

Le passé.



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Fiche Perso: Léo



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