Chapitre 26 - Avant que la fleur ne fane

 IV - Céladopole


Chapitre 26 - Avant que la fleur ne fane

“Laisse-moi t’aider à sortir de là…”

“Ne me touche pas ! J’ai jamais été aussi dégueulasse…”

J’observe Claire et Chris tout en restant à l’écart.

D’une part, je suis heureuse de les voir se rapprocher… Mais d’autre part, cela me fait prendre conscience d’une chose.

Je suis une personne affreuse.

Cette situation est le résultat de ma curiosité morbide. Mon besoin constant de combler ce vide immense que je ressens depuis des années. Et pourtant…

Je n’ai pas su faire face au danger lorsqu’il s’est présenté. Ce, alors que je passe ma vie à courir après celui-ci.

Maintenant que j’y pense, la même chose est arrivée à l’École Marguerite. Je n’ai pas été à la hauteur…

“Comment te sens-tu ? Tu n’es pas entrée en contact avec le liquide qui le constituait ?”

“Non, ça va. Par contre ça ne risque pas de durer si je ne passe pas une douche au plus vite…”

Je laisse les deux autres parler entre elles, ne me sentant pas légitime de les rejoindre.

J’en profite alors pour me diriger vers le mur contre lequel Chris a brisé le cristal du Chrysanthème.

“Dame Erika, nous devrions sortir d’ici.”

“Ah ! Oui… Quittons cet endroit.”










Affalée sur mon canapé, j’observe les morceaux de cristal que j’ai récupérés plus tôt.

Je les ai emballés dans mon bandeau afin d’éviter de trop les toucher… et aussi afin que personne ne se rende compte que je les ai pris.

“...mais qu’est-ce que je vais en faire ?”

Les tics et les tacs de l’horloge me bercent dans l’obscurité du salon. Ma seule source de lumière étant celle des lampadaires à travers les vitres.

Quelle heure est-il déjà ?

Depuis que je suis rentrée, je me suis contenté de prendre une douche afin de supprimer l’odeur d’égouts, mais je n’ai toujours rien mangé.

Je ne me suis ni essuyée, ni habillée. La seule chose couvrant mon intimité dans cette pièce vide et froide étant une serviette dont l’utilité reste à prouver.

Alors que mes yeux se ferment peu à peu, les images de cette longue journée défilent dans ma tête…

Chris. L’appartement. Le saut dans les poubelles. Le cimetière. Les souterrains. Le Chrysanthème.

Pourquoi…?

Pourquoi est-ce que mon cœur s’emballe de la sorte ?

Mes amies ont failli mourir par ma faute, et nous avons découvert l'existence d’un monstre, et pourtant…

Je dois fuir ce sentiment !!! Cette excitation grandissante, comme un enfant découvrant une nouvelle passion.

“STOP !!!”

Rejetant mes propres émotions, j’attrape la première chose que je peux, la jetant à l'autre bout de la pièce.

“Biip bip bip”

Ah… Le drone. J’espère qu’il n’est pas encore cassé.

Azul va encore m’en vouloir…

“Azul…”

Je me demande s’il pourrait m’aider à en savoir plus sur « les monstres ».

Le gouvernement. Le clan Kimono. Combien de personnes sont au courant ? Pourquoi est-ce qu’on nous cache de telles choses ?

Si je lui raconte tout ce qu’il s’est passé… acceptera-t’il de me parler ?

Je me saisis de mon téléphone, qui reposait sur la table basse.

Malgré ses mots de la dernière fois, Azul a quand même accepté de me laisser son numéro, sous condition que je ne l’appelle qu’en cas d’urgence.

Sans hésiter un seul instant, je pose mon doigt sur son nom, tout en haut de ma liste de contact.










Sept heures du matin.

Après avoir dormi quelques heures, j'accueille mon invité dans le salon, habillé cette fois-ci.

“Un monstre constitué de slime ?”

Azul examine les cristaux, toujours posés sur la table basse, dans ce qui me sert habituellement de bandeau.

“Tu ne sembles pas surpris.”

Effectivement, son expression tend plus vers la réflexion que l’étonnement.

“Disons juste qu’il n’y a plus grand-chose qui me surprend… En-tout-cas, je ne sais rien à propos de ces cristaux. Mais je connais quelqu’un qui pourra peut-être nous en dire plus.”

“Tu me laisseras rencontrer ce quelqu’un ?”

“Ce n’est pas vraiment une question de te « laisser le rencontrer »…”

“Hah ?”

“Je vais me rendre sur son lieu de travail, là, maintenant.”

“Oh… Dans ce cas je ne vais pas pouvoir t’accompagner, j’ai cours–”

“Au contraire. Tu viens avec moi.”

“A..Azul ? Je ne comprends pas…”

“Je ne te laisserais pas seule tant qu’on n’en saura pas plus sur cette chose.”

Le ton dans sa voix ne me rassure pas. J’ai le sentiment qu’il me cache quelque chose. Sans parler du fait qu’il y a quelques jours, il ne voulait même pas entendre parler de moi…

“Allons-y. Si on se dépêche, on devrait pouvoir éviter les embouteillages.”


À l’arrière de sa moto, Azul me fait traverser une capitale kantonienne dépourvue de bouchons.

Je me sens comme bercée dans une sensation chaleureuse, tandis que mon cœur s’emballe. C’est presque trop intense, j’ai l’impression que si mon bonheur pouvait quitter mon corps, il le ferait.

Mais ai-je le droit de me sentir ainsi ? Après ce qu’il s’est passé… Et la gravité de la situation sous-entendue par mon protecteur.

Nous arrivons rapidement au District Est de Céladopole. Azul gare sa bécane face à un bâtiment qui pourrait être vu comme n'importe quel local de travail lambda pour une entreprise quelconque.

Le fait est qu’il s'agit du Centre géologique de Céladopole.

En entrant, nous nous dirigeons directement vers le guichet, derrière lequel se trouve un homme ressemblant plus à un garde de sécurité qu’à un secrétaire.

“Bonjour. Nous aimerions voir le chercheur Pierre Onis. C’est à propos des pièces entreposées au District Industriel. Dites-lui que c’est de la part d’Abdul.”

L’homme de la réception insistera sur les motifs de notre venue, mais finira par abandonner face à l'obstination d’Azul.

Cinq minutes plus tard, un homme gigantesque nous rejoint dans le hall. Il s’agit de Pierre Onis.

Celui-ci nous propose de monter les escaliers en direction de la cafétéria afin de parler plus tranquillement. Nous le suivons donc.


La pièce est vide. Soit tous les chercheurs sont en train de bosser à cette heure-ci, soit ils ne sont pas encore arrivés.

“Je suppose que cette histoire d'entrepôt est fausse. Si tu es là, c’est que tu as besoin de moi ?”

“La jeune fille à mes côtés est probablement en danger. J’aimerais que tu me dises ce que tu sais à propos de ça.”

Azul dévoile à notre hôte les morceaux de cristal encore emballés. Et à cet instant, le sourire sur les lèvres du chercheur se dissipe peu à peu.

“Je ne sais pas combien de squelettes tu caches dans ton placard, Azul, mais tu devrais ouvrir ton propre musée de paléontologie à ce rythme.”

“J’imagine que cela veut dire que tu sais de quoi il s’agit ?”

Pierre se lève de sa chaise, se dirigeant en direction de la machine à café située juste à côté de la table ou nous sommes installés.

“Cette fille… C’est qui ?”

“Ma cousine.”

Répond-il sans même me regarder.

“Je vois… J’espère que tu ne me mens pas.”

Je décide donc, enfin, de prendre la parole afin d’appuyer les dires de mon cousin.

“C.. C’est la vérité ! J'appartiens au même clan que sa mère. Elle était comme une tante pour moi.”

“Tu es johtonnaise ?”

“C’est un problème…?”

Une fois son gobelet plein, le géant retourne à sa place, nous faisant de nouveau face.

“Pas du tout. Je ne savais juste pas qu’Azul possède des origines de la-bas.”

“On n’est pas là pour parler de moi. Pierre, tu vas nous aider, oui ou non ?”

Azul commence à s’impatienter. Comme chaque fois que nous parlons du passé…

“Oui. J’avais juste peur que tu ne te mettes toi, et Ember par la même occasion, en danger pour une inconnue. Mais s’il s’agit d’une affaire de famille, alors tu as mon feu vert !”

Ember…?

“Je n’ai pas besoin de ton feu vert. Quand bien même elle serait une inconnue, la décision de l’aider m’appartient.”

Pierre se met à rire, puis attrape son gobelet avant d’en boire une grande gorgée.

“T’es un type bien, Azul ! Maintenant, à propos de ton cristal…”

Nos regards se tournent tous en direction du contenu de mon bandeau, posé au centre de la table.

“J’étais encore à Argenta lorsque c’est arrivé. Ce que je vais vous raconter sont les dires d’un collègue. Mais nous avons également quelques échantillons entreposés par le labo. Il y a quelques mois, La Ligue a demandé une analyse de ces mêmes cristaux. Ils étaient utilisés par des criminels dans la région de Johto.”

“Johto tu dis ? Et que faisaient-ils avec ?”

“Je ne suis pas sûr. Il est dit qu’ils s’en servaient pour devenir plus forts ou je ne sais quoi, mais que les effets secondaires étaient assez sévères.”

Cela expliquerait l’apparence et la force du Chrysanthème. Quoique la « mutation » qu’il aurait subie ressemble moins à un effet secondaire, et plus à quelque chose de volontaire.

Je veux dire, quel genre d’effet secondaire te transforme en slime empoisonné ?

“Mais si vous croyez un peu aux histoires de fantômes… Il est également dit que l’énergie produite par ces cristaux serait capable de réveiller un mort. Les bandits à qui La Ligue aurait confisqué ces choses leur avaient donné un nom pour le moins intrigant. Rappels.”

Réveiller les morts ? Les fleurs de chrysanthème, le cimetière… Est-ce qu’il y a un lien ?

“Merci Pierre. Je suppose que tu n’as pas plus d’infos sur les criminels johtonnais se servant des Rappels ?”

“C’est déjà un miracle que je sache tout ça ! En tout cas, j’espère que tu me laisseras revoir Ember quand tu auras fini de jouer aux détectives.”

“O.. Oui… Bien sûr…”

Hm ?


Nous quittons finalement le Centre géologique, laissant Pierre retourner travailler, puis rejoignons le parking où se trouve la moto.

“Ember… C’est le vrai nom d’Emily ?”

Azul me regarde d’un air surpris, avant de soupirer longuement.

“Je compte sur ta discrétion…”

Encore un secret à ajouter à la liste. Je vais finir par le convaincre de m’accepter dans sa vie à force !

“On fait quoi maintenant ? Avec les infos de Pierre, on sait que le Chrysanthème était soit un johtonnais, soit une personne déjà décédée.”

“Dans les deux cas, je doute que monsieur tout le monde puisse se procurer un Rappel. Si nous n’en avions jamais entendu parler, alors que cette merde circule depuis quelques mois, c’est que le secret est bien gardé.”

“Donc il y a bien une organisation derrière tout ça…”

Soudain, Azul retire son téléphone de sa poche.

Quelqu’un l’appelle.

“J’écoute.”

Peu à peu, alors que des cris de colère sont audibles de l’autre côté du fil, je vois les sourcils d’Azul se froncer de plus en plus.

Finalement, le jeune homme raccroche après avoir dit qu’il allait voir ce qu’il peut faire.

“Il y a un problème ?”

“ L’une de tes deux amies s’appelle Chris, c’est bien ça ?”

“O.. Oui…?”

“Il faut qu’on la trouve. Une collègue à moi, portant le même nom, s’est introduite dans le bureau de notre patron afin d’y voler un flingue.”




















Sept heures du matin.

Entamant le petit-déjeuner préparé par notre majordome, je repense aux événements d’hier.

Si la logique veut que mon appétit en soit altéré, la réalité tend vers l’inverse.

La situation de la veille m’a fait prendre conscience d’à quel point ma vie est précieuse, et mon confort également.

Bien entendu, cela ne change en rien mes valeurs morales, mais, moi, Claire Dolford, ne laissera pas ces tartines de côté.



N'empêche… J’ai l’impression de m’être beaucoup rapprochée de Cristina.

J’ignore si sa vision de ma personne a changé d’une quelconque façon, mais une part de moi a vraiment hâte de la revoir.

Cependant, suite à son bain dans les égouts, j’ose espérer qu’elle ira voir un médecin avant les cours, quitte à louper la partie du matin.

Je termine mon premier repas de la journée, puis rejoins la voiture qui m’attend en face de la résidence.

Direction l’académie.


I.. Il y a un problème…

Cela fait dix minutes que nous roulons dans les rues de la capitale, mais le véhicule n’emprunte pas la route habituelle.

J’interpelle le chauffeur afin de comprendre ce qu’il se passe.

“Excusez-moi… Ce n’est pas la route pour le District Académique.”

…pas de réponse.

Je me saisis donc saisi de mon téléphone.

Il faut que je prévienne mes parents, qu’ils fassent quelque chose !

…?!

Au.. Aucun réseau ?!

Mais nous sommes dans la capitale de Kanto !!! On ne traverse pas de tunnel !!

Il faut que je me calme… Si c’est un enlèvement alors ils finiront par contacter mes parents pour une rançon ou peu importe.

Dans tous les cas, je doute que quelqu’un veuille attenter à ma vie, je n’ai rien fait de mal…

Mon regard se tourne soudain vers la fenêtre alors que quelque chose l’attire dans cette direction.

Un bâtiment gigantesque, extravagant, s’élevant sur une dizaine d’étages en direction des cieux.

Le Grand Casino de Céladopole… Nous sommes au Quartier des Divertissements.

Salles d’arcades. Karaokés. Bars en tout genre. Il serait trop long d'énumérer le nombre d’établissements réservés aux plaisirs et à l’amusement que l'on trouve dans ce district.

J’ai entendu dire que la mafia était propriétaire du Grand Casino. Est-ce que ce sont eux qui en ont après moi ?!

La voiture entre dans le parking souterrain du bâtiment trônant au centre du district de tous les péchés.

Est-ce que mon père a fait quelque chose pour les contrarier ?! Nous ne sommes pas endettés tout de même…?

Je m’imagine le pire alors que notre véhicule traverse les ténèbres du parking, s’arrêtant finalement dans un coin discret, ou un groupe de personnes vêtues de noir nous attendent.

La portière s’ouvre, une femme m’ordonnant, dans un ton non-agressif, de descendre.

Je m'exécute, remarquant que mes kidnappeurs possèdent tous une arme attachée à leurs ceintures.

Ils me retireront mon sac, mon smartphone ainsi que tout autre objet que mes vêtements.

“Ne bouge pas.”

Finalement, la femme m’ayant ouvert la portière tout à l’heure me passera un sac en tissu sombre sur la tête, afin de me priver de la vue.

“Nous te le retirerons lorsque nous serons arrivés.”


Après de longues minutes à marcher dans l’obscurité, et à monter et descendre dans de nombreux ascenseurs, nous arrivons enfin à l’endroit tant regretté.

L’une de mes escortes retire le sac de ma tête, laissant la lumière m’éblouir un court instant.

Une fois mes yeux de nouveau habitués à la luminosité, je prends conscience de l’endroit où nous sommes.

Le sol, le plafond… C’est comme s’ils étaient faits de verre. Nous sommes dans un étage secret du casino, depuis lequel nous pouvons voir les clients vaquer à leurs occupations dans les niveaux inférieurs et supérieurs.

“Ils ne peuvent ni nous voir, ni nous entendre.”

Une voix provenant de l’autre bout de la pièce attire mon attention. Ce ton naturellement supérieur, mais également doux et maléfique à la fois. Le genre de voix que posséderait un serpent s’il sifflait la langue humaine.

Je tourne lentement mon regard dans sa direction.

Derrière un bureau massif, tout aussi extravagant que le reste des lieux, se trouve un homme. Probablement dans sa quarantaine, voir cinquantaine. Cheveux noirs grisonnants par endroits, coiffés en arrière. Et surtout, un regard perçant comme je n’en ai jamais vu.

Mon instinct me hurle que cette personne est dangereuse. Bien plus que le tueur aux chrysanthèmes.

“Que se passe-t-il ? Mes sbires t'auraient coupé la langue ?”

“Nous ne lui avons fait aucun mal, boss !” Affirme un de ses « sbires », dans la panique.

Son regard, qui semblait déjà dépourvu d’émotion, se refroidit davantage alors qu’il le lance sur la personne ayant répondu.

“Quelqu’un t'a demandé de répondre ?”

“N.. Non… Excusez-moi–”

“J’ai horreur des chiens qui aboient pour rien. Il s’agit de l’une des rares choses qui ont le don de m'énerver.”

Le « boss » se lève de son siège en cuir, se rapprochant de son homme de main dans des pas lents, mais lourds.

“C’est une nuisance pour le maître, mais également pour les autres. C’est pourquoi j’ai tendance à les euthanasier.”

Tête baissée, le sbire tremble comme une feuille tandis que les mains de son boss se glissent doucement en direction de l’arme qu’il a à sa ceinture.

Il est comme moi, paralysé par la peur.

“Penses-tu que je suis un monstre ?”

“N.. Non, boss…”

Après cinq secondes de suspense, le chef de la mafia répond enfin :

“Eh bien… Tu devrais.”

Ponctuant sa phrase, l’homme à l’aura maléfique appuie sur la détente, tirant une balle dans la jambe de son subordonné.

Un cri strident commence à retentir, mais est rapidement étouffé par les mains du sbire qui se trouve maintenant à genoux, un trou gerbant de sang dans sa cuisse gauche.

Mes yeux se couvrent de larmes alors que tout mon corps tremble de peur.

Il range de nouveau l’arme du sbire là où il l’a trouvé, ordonnant aux autres de le sortir d’ici afin qu’il puisse être seul avec son « invitée ».

“Où en étions-nous déjà ? Ah… Oui. Les présentations. Je suis Giovanni, l’homme à la tête de la Team Rocket.”

J’avais déjà à peu près fait le lien… mais que me veut le boss de la mafia de Céladopole ?

“Tu es Claire Dolford. Fille de Martin Dolford. Ton père et moi avons travaillé ensemble par le passé.”

Est-ce que ça veut dire qu’il ne me fera pas de mal ? Car il s’entend bien avec mon—

“Un incompétant couplé d’un imbécile. Je déteste les types comme lui.”

Oh non…

“Rassure-toi, ce n’est pas à cause de ton idiot de père que je t’ai fait venir. Vois-tu, j’ai appris hier qu’un groupe de gamines étaient entrées dans les souterrains.”

Hein…? Les souterrains…?

“Elles y ont trouvé une créature, et l’ont vaincu.”

“O.. On n’a fait que nous défendre…”

Ma voix peine à sortir alors que je tente de m’expliquer auprès de Giovanni.

De nouveau, celui-ci fait une pause de cinq secondes, m’observant de son regard glacial.

“Tu fais bien de penser que la créature était à nous. Mais je me fiche du sort que vous lui avez réservé. Ce que je veux, c’est le cristal qu’il avait enfoncé dans sa poitrine.”

“Le cristal…? I.. Il a été brisé contre un mur lors du combat !! Si vous cherchez—”

“Tu crois qu’on n’a pas déjà cherché ?”

Je sursaute.

Il n’a même pas crié, mais juste en haussant légèrement le ton, l’effet est le même que s’il m'avait hurlé dessus.

Soudain, un bip retentit dans la pièce. Le boss de la Team Rocket se contente d’attraper un téléphone qui était posé sur son bureau, puis appuie sur un bouton afin de répondre à ce qui semble être un appel.

“...Parfait. Guidez-la jusqu’ici. Et contentez-vous de lui prendre son téléphone. Laissez-lui son arme.”

De qui parle-t-il ?

Vais-je pouvoir rentrer chez moi…?


Après de longues minutes, une nouvelle personne arrive, escortée par deux sbires.

Il s’agit de Chris ?!!

Elle a l’air pâle, le regard lourd et vitreux alors que ses jambes tremblent légèrement, comme si elle se forçait à cacher le fait qu’elle ne tient pas debout.

Je tente de crier son nom, mais aucun son ne sort. Mon corps est totalement soumis à la peur.

“Cristina Cross je suppo—”

“Espèce de fils de pute…”

Comme immunisée par l’aura oppressante de Giovanni, Chris dégaine un pistolet qu’elle avait dissimulé sous son hoodie. Le pointant en direction de l’homme responsable de mon enlèvement, mais également de la mort de son frère.

Voyant cela, un sourire se forme peu à peu sur les lèvres du parrain de la mafia.

“J’aime ton cran, gamine. Mais tu ne devrais pas jouer avec une arme à feu—”

Une fois de plus, quelque chose vient l’interrompre. Un coup de feu.

Les yeux de Cristina s’écarquillent en réaction, voyant que la balle s’est logée dans le mur derrière lui, sans le toucher.

De nouveau, le boss de la Team Rocket quitte son siège afin de se rapprocher d’elle.

“Tu n’es même pas en état de viser correctement à cette distance.”

Chris serre les dents de rage, mais la réalité est tout autre. Je l’ai vu. Il a décalé son corps juste avant le coup de feu. J’ignore cependant s’il s’agit d’un témoignage de son expérience, ou si cet homme est juste un monstre en tout point.

“Serait-ce ton bain dans les égouts ? Ou alors…”

Attrapant le bas du hoodie de Cristina, Giovanni le soulève brusquement jusqu’au niveau de son nombril, révélant la peau de la jeune fille… couvert de plaques noirâtres.

“LÂCHE-MOI !!!”

Mon amie tente de le repousser tout en le pointant avec son arme, mais, dans un mouvement aussi vif que violent, son adversaire se saisit du poignet de Chris, la forçant à lever le bras en l’air.

Il appuie ensuite sur son doigt se trouvant sur la détente, la forçant à vider son chargeur sur le plafond, qui semble être renforcé et immunisé aux impacts.

Une pluie de douilles s’abat sur eux alors qu’il impose son regard inquisiteur à sa nouvelle « invitée ».

[Vert Feuille] Mechamon Iris - Page 3 40936410

“Si tu veux que quelqu’un serve « d’exemple », alors tue-moi. Mais laisse Claire en dehors de ça…” demande Chris, d’un ton beaucoup plus calme et désespéré.

“Un exemple ? Oh… Tu dois faire référence à cet incident avec ton frère.”

À l’instant où l'homme fait mention de son frère, le regard de Chris se remplit de nouveau de colère, mais, consciente de son impuissance, elle finit par baisser la tête.

Giovanni lâche le poignet de sa victime après l’avoir désarmée.

“Je veux deux choses. Le cristal, que tu ne sembles pas avoir sur toi, ainsi que ton autre amie, la fille du clan Kimono.”

Dame Erika ?! Pourquoi ?! S’attaquer au clan Kimono reviendrait littéralement à déclarer la guerre au monde…

“Tu ne toucheras pas à un cheveu d’Erika…”

“Ça, ce n’est pas à toi d’en décider. En revanche…”

Le boss de la Team Rocket pose l’arme de Chris sur son bureau avant de continuer.

“Tu as survécu au venin. Bien que je ne te donne pas plus de vingt-quatre heures à vivre en vue de ton état actuel, je te rassure, nous avons les moyens de te maintenir en vie.”

“Vous comptez m'utiliser pour vos expériences… Comme pour mon frère.”

Pour la première fois depuis que je l’ai rencontré, Giovanni prend un air surpris en réaction à ce que Chris venait de dire.

“Comment as-tu deviné qu’il s'agissait de ton frère ?”

“Je ne l’ai pas deviné… Je l’ai vu reprendre conscience après que nous l’ayons vaincu ! Il a souffert par votre faute !! Et il a fait souffrir ses proches par votre faute également !!!”

Cinq secondes de pause.

“Voilà qui est intéressant. Ne perdons pas plus de temps. Je ne voudrais pas que tu nous claques entre les doigts.”

“Laissez partir Claire—”

“Claire Dolford aura son propre rôle à jouer.”

Hein…?

Mon esprit se vide alors que je prends conscience du niveau de désespoir dans lequel je suis.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi ? Je venais à peine de créer un lien avec Chris…

…pourquoi…?


Le téléphone de Giovanni sonne de nouveau.

Alors qu’il écoute la personne parler à l’autre bout du fil, un nouveau sourire se dessine sur son visage. Probablement l’expression la moins terrifiante qu’il ait faite depuis le début.

“Je vois. Laissez-le venir. Vous n’aurez pas besoin de l’escorter.”





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