IX - Final
Chapitre 75 - Directions divergentes
Céladopole. La capitale des fleurs, de l'espoir et des sourires.
Ici, tous les jours, un nombre incalculable d'histoires s'écrient. Celles d'hommes et de femmes se surpassant pour obtenir une place toujours plus importante dans la société. Celles des enfants, le fruit du lien de ces hommes et de ces femmes qui, un jour, eux aussi essayerons d'écrire leur propre histoire.
Des millions de chaussures de toutes les tailles marchent sur le sol de la ville la plus peuplée de Kanto. Ils sont le sang qui circule dans les veines du pays. Ils sont ceux qui participent à son développement et à sa stabilité.
Il est difficile d'imaginer que, plusieurs mètres sous leurs pieds, circulent des créatures considérées comme des impuretés dans ce système. Des humains dépourvus d'espoir, perdus dans les galeries nauséabondes du District Fantôme.
"Encore toi…?"
Ce jour-là, un docteur johtonnais dont le nom a été, depuis longtemps, oublié par le monde, nettoyait ses ustensiles dans une clinique improvisée, aux airs lugubres.
"J'ai faim."
C'était la cinquième fois que la petite fille venait toquer à sa porte, au total. Une visiteuse qu'il ne voulait pas voir. Ni aujourd'hui, ni jamais.
Elle était un démon à ses yeux. Un être pur, qui cherchait à le pousser toujours plus profondément dans les abîmes.
"Tu m'as déjà fait le coup la semaine dernière ! Je n'opère pas sur les enfants ! Allez !! Oust !!!" Disait-il en se munissant d'une barre de fer.
L'homme venait de se mentir à lui-même, comme en témoignent les quelques cicatrices sur le corps de la petite, ainsi que le bandage sur son œil droit.
Finalement, peu importe les promesses qu'il a pu se faire par le passé, son éthique s'effritait à chaque nouvelle visite de ce démon d'un mètre trente.
Les organes sont un business profitable, surtout ceux des enfants. Mais le docteur n'en avait que faire de l'argent. Il ne dormait déjà presque plus depuis bientôt trois décennies. La seule chose qui le maintenait en vie était la peur qu'en mourant, personne ne soit là pour le remplacer.
Ses clients étaient des personnes trop pauvres pour avoir recours aux hôpitaux normaux. Et, en vue de leur nombre, le johtonnais savais qu'il était un des rares à offrir ce service.
"J'ai faim," répétait l'enfant, fixant l'homme qui la menaçait avec une barre de fer tremblante.
Elle ne craignait pas les coups. Après tout, si elle ne trouvait pas de quoi se nourrir, elle finirait par mourir quoi qu'il arrive.
Enfin, il abandonna. Lâchant son arme, il partit récupérer le pain qu'il conservait précieusement dans un coin de sa clinique, sous sa veste.
"Prends ça et dégage !" Criait-il en jetant la nourriture au visage de l'enfant, qui continuait de le fixer sans comprendre.
À son jeune âge, elle savais déjà que rien n'était gratuit dans ce monde. Si elle voulait manger, elle devait fournir les efforts nécessaires au préalable.
Avant de rencontrer le docteur, elle passait ses journées à chasser des rattata. Une entreprise moins lucrative depuis que ces derniers sont chassés par des adultes qui ne voient pas la concurrence d'un bon œil.
"...Quoi ? Il n'y en a pas assez pour tout le monde ?" Demandais le johtonnais en voyant que la petite fille hésitait à ramasser le pain au sol.
"Les autres ne bougent plus."
La phrase était froide. Surtout sortie de la bouche d'une enfant. Cela fit hésiter le docteur, qui posa quand même la question redoutée.
"Ils sont morts…?"
"Ils ont mangé le champignon interdit," répondit la petite fille sans attendre.
"Celui qui pousse sur le dos des insectes ?"
Elle acquiesça, procurant un soupir tremblant chez le docteur. Il avait pourtant demandé à la petite de transmettre le message lors d'une de ses visites précédentes, mais cela n'aura pas suffi.
Plusieurs enfants vivaient (si on peut appeler ça vivre) dans une salle délabrée du District Fantôme. Un sale type les avait enlevés et séquestrés ici-bas, dans l'espoir d'en faire un trafic.
Cependant, il a disparu peu de temps après avoir lancé son commerce. Livrant les petits à eux-mêmes, dans un labyrinthe d'égouts où ceux qui connaissent la sortie refusent de s'en approcher.
Pourquoi est-ce que le docteur, qui remontait périodiquement à la surface, ne les a pas sauver dans ce cas ?
La réponse à cela est simple. Il ne vaut pas mieux que les autres. Il est, lui aussi, un déchet humain, préférant détourner le regard pour ne pas voir qu'il pourrait aider ses semblables.
Il aide pourtant ceux qui n'ont pas les moyens à se procurer des organes.
L'être humain est ce genre de créature. Certains ignorent les mendiants dans la rue, alors qu'ils sont prêts à remplir une cagnotte servant à payer un voyage au parc d'attraction à une famille qui n'est pas la leur. D'autres se disent contre la maltraitance animale, mais ne se posent aucune question lorsqu'ils mâchent leur viande nerveuse, achetée à petit prix.
Ou peut-être pensait-il que ce n'était pas son rôle d'intervenir ? Que quelqu'un d'autre les aiderait ?
Quoi qu'il en soit, ces enfants sont morts par sa faute. Il le savait, et il devra vivre avec un trauma de plus, chaque fois qu'il verra le visage de la petite fille lui demandant de la nourriture.
"Le pain…" Reprends la petite, attirant de nouveau l'attention du docteur. "Qu'est-ce que je dois faire en échange ?"
"Hein...? Rien du tout…" Réponds le johtonnais, déconcerté. "Prends-le et pars…"
L'enfant ne comprenait pas pourquoi le pain était gratuit, maintenant. Surtout qu'il y en avait plus que d'habitude. Mais soit. Elle attrapa la nourriture au sol puis se tourna en direction de la sortie.
Enfin, le docteur avait aidé cet enfant sans rien lui prendre en retour. Il pouvait être fier de lui. Et pourtant, un sentiment de culpabilité et une peur effroyable le rongeaient de l'intérieur.
Être gentil une fois ne suffirait pas. Cela ne sauverait pas cette enfant.
"Attends !" S'exclamait-il d'une voix tremblante.
La petite se retourna. Elle le savait. Rien n'est gratuit dans la vie. Et partir maintenant lui coûterait cher plus tard.
"Si tu es seule maintenant… Tu n'as qu'à rester ici," proposa le docteur, dans un mélange incohérent de regret et de soulagement.
Les années passèrent, et l'enfant grandissait à mesure que le docteur vieillissait. Elle connaissait, maintenant, le chemin menant à la surface. Et pourtant, elle revenait toujours à la clinique après avoir terminé les courses que l'homme lui demandait.
Chaque fois qu'elle revenait, le docteur ne pouvais s'empêcher de penser qu'elle étais peut-être vraiment un démon venu le hanter. Personne de sain d'esprit ne reviendrait ici-bas après être remonté à la surface.
Alors que le johtonnais tirait sur le fil ensanglanté servant à recoudre la personne inconsciente sur sa table d'opération, la petite lui posa une question.
"De quoi est-ce que vous avez peur, docteur ?"
"Hein ?"
"Tous les adultes qui vivent ici ont peur de quelque chose," expliqua-t-elle en tendant une paire de ciseaux à son interlocuteur afin qu'il puisse couper le fil qu'il manipulait.
Ce qu'elle venait de dire donnait froid dans le dos. Une enfant de son âge ne devrait pas être capable de voir que les ordures habitant le District Fantôme sont en réalité des êtres fragiles fuyant la surface.
Quand est-elle devenue aussi perspicace ?
"Ne te prends pas la tête avec ce genre de choses," ordonna le docteur en finissant son travail sur le corps dénudé de son client.
"Vous êtes différent des autres adultes. Rien ne vous empêche de remonter," constate l'enfant en ignorant les ordres du johtonnais. "Pourtant, vous aussi vous avez peur de quelque chose. Quelque chose qui ne se trouve pas à la surface."
Le regard du docteur, terrorisé, se posa sur celui de la jeune fille qui semblait scinder son âme. Elle pouvait le voir, depuis son œil unique. Le monstre qui se cachait sous la chaire de l'homme qui lui avait sauvé la vie.
Bruyamment, le johtonnais jetais ses outils de travail dans un plateau en métal avant d'ôter ses gants ensanglantés.
"Tu es ici depuis bien trop longtemps… Tiens," dit-il en attrapant un portefeuille, dans un de ses tiroirs, le jetant à son assistante.
Cette dernière l'ouvrit. Il y avait beaucoup d'argent ainsi qu'une carte avec sa photo dessus. Une combinaison d'objets étrange.
"Qu'est-ce que c'est ? Vous avez besoin que je monte faire des courses ?"
"Non... J'ai besoin que tu montes et que tu ne redescendes jamais," répondit-il, ayant visiblement atteint sa limite, mentalement.
"... Qu'est-ce que je dois faire en échange ?"
La jeune fille comprenait que ce que le johtonnais venais de lui donner n'étais pas tant un ordre, mais plutôt un cadeau. Un cadeau à la fois généreux et terrifiant.
"Crée un endroit capable de convertir les ténèbres en lumière, Olga…"
"Olga ?"
Le docteur se rapprocha une dernière fois d'elle, pointant les mots que la jeune fille n'arrivait pas à lire sur la carte contenant sa photographie.
"Olga Lorelei."
"Qu'est-ce que tu fais ?" Demande Farida à son amie la sorcière, se penchant par-dessus son épaule afin d'observer l'écran de son ordinateur portable.
"Je me prépare à attaquer les systèmes informatiques du Fanclub pour me venger du fait qu'ils nous aient expulsés à vie," répond-elle en tapant furieusement sur les touches de son clavier. "Ils ne pourront jamais résister à la tentation d'un cadeau de cinquante pokédollars. C'est sûr qu'ils cliqueront !"
J'observe la scène en soupirant, tenant un sac de glaçon sur mon visage. Bien que je la méprise de tout mon être, je suis sûre que la Sorcière est capable de bien plus qu'une vulgaire technique de phishing.
Finalement, perdant rapidement tout intérêt pour le piratage informatique, l'ancienne pirate des mers se tourne vers Emily (ou devrais-je plutôt dire Ember ?). Son expression traduisant une inquiétude croissante.
"N.. Ne t'en fais pas ! Je te jure que c'est moins grave que ça en a l'air !" Insiste la jeune femme en secouant ses bras, au bout desquels pendent ses poignets cassés.
"Tu dis ça, mais je doute que tu puisses continuer à te battre dans cet état… Nous devrions nous rendre à l'hôpital."
Ses craintes sont totalement justifiées. Pourtant, de ce que j'ai pu observer, c'est Ember qui semble avoir raison.
Alors que le barman m'amène enfin mon verre de vodka, je décide de prendre la parole pour la première fois depuis que nous sommes remontés du sous-sol.
"Visiblement, ses blessures ont déjà commencé à guérir."
Farida et Morgane, surprises, se penchent pour observer les mains de leur amie. Les hématomes qui étaient présents tout à l'heure ont totalement disparus.
"E.. Elle a raison… Le corps humain est vraiment incroyable…" Constate la sorcière d'un air étonné.
"Non. Ce n'est pas normal," répond Farida, quant à elle, plus déconcertée qu'autre chose.
Ember, pour sa part, se contente de détourner le regard, gênée par la situation.
Pour avoir mené mon enquête sur elle, je sais que cette fille n'est pas normale. Pour commencer, les rapports signalent sa disparition il y a dix ans, lorsqu'elle était âgée de dix ans justement. Or, lors de notre rencontre à Safrania, il y a quelques mois, elle avait l'apparence d'une gamine de treize ans.
Aujourd'hui, elle est une jeune femme. Et les rapports concernant les événements de Carmin sur Mer, plus tôt cette année, décrivent une enfant d'environ sept ans.
Ça, combiné à ses capacités régénératives ainsi que sa couleur de cheveux atypique… Quel genre d'expérience est-ce qu'elle a subi à Cramois'îles ?
L'étreinte de ma main autour de mon verre s'amplifie au fur et à mesure que je maudis le vieux Fuji pour avoir couvert cette affaire. Ainsi que cet idiot de Green Chen pour m'avoir fait perdre mon temps avec ses conneries, sans quoi j'aurais pu enquêter sur ce laboratoire clandestin avant qu'il ne disparaisse sous la lave.
Soudain, alors que la tension montait progressivement, la porte du bar se met à grincer. Deux hommes font leur apparition. Une entrée qui ne manque pas de faire sauter de joie notre spécimen du jour.
"AZUL !" S'exclame Ember en se levant rapidement, rejoignant son partenaire en courant.
"Oof... Je suis content de te revoir, moi aussi," répond le jeune homme en recevant la charge émotive de la jeune femme dans l'estomac.
"Hm...? H.. HAAAAH ?!!" S'exclame la Sorcière en levant les yeux de son écran, voyant qu'Azul Leeves n'est pas venu seul. "POURQUOI IL EST LÀ, LUI ?!!!"
Le garçon aux cheveux roux se contente de répondre en lui faisant un coucou, un grand sourire collé aux lèvres.
Soupirant, je décide de me lever à mon tour, faisant face au fils de mon ancien maître. Le moins que je puisse faire est de le saluer, après tout.
"Je constate que tout le monde a passé son test avec succès," j'annonce avec un sourire joueur.
"Olga... C'est donc toi qui as envoyé mon père dans notre direction," réalise-t-il en fronçant les sourcils.
"Ton père ?!" S'exclame Ember, encore blottie contre le jeune homme.
"Tu étais plus mignonne lorsque tu étais petit… Aujourd'hui, il suffit d'un coup d'œil pour voir que tu es une mauvaise fréquentation," je rétorque, décidant de ne pas confirmer, ni de nier ses accusations.
"Mignonne ?!!" S'exclame Ember, encore et toujours blottie contre le jeune homme.
"Et il suffit d'un coup d'œil pour comprendre pourquoi on t'appelle « La Dame de Glace »," dit-il en pointant la poche de glaçons collée à mon visage.
Si on me demandait, je ne saurais dire si je le préférais lorsqu'il était la poupée de chiffon de sa mère, ou maintenant qu'il est un adulte effronté.
"Ton amie, ici présente, est juste beaucoup trop imprévisible," je soupire. "Qui aurait pu deviner qu'elle irait jusqu'à se briser les poignets pour me vaincre ?"
En réaction, Azul attrape les poignets d'Ember, les observant tout en appuyant sur ses os. La jeune femme détourne son regard en rougissant. Une réaction totalement contraire aux hurlements qui auraient dû suivre.
"Hm... Bien joué," dit-il, presque surpris par l'ingéniosité de sa partenaire.
"Ce ne sont pas les mots que j'aurais choisis, personnellement…" Commente Farida en lançant un regard suspect au duo. Est-ce que notre combat aurait éveillé un sentiment de discorde au sein de leur groupe ?
"Ember est un cas particulier. Retiens juste qu'une blessure de ce type ne représente rien de grave pour elle," explique Azul en tentant de rassurer la femme aux cheveux d'or. Mais en vue de son expression, je doute que l'effet soit celui escompté.
"On sais qu'Ember n'est pas ce qu'on pourrait qualifier d'une personne « normale ». Et on ne vous a pas trop interrogés sur la question pour de nombreuses raisons. Mais est-ce qu'il ne serait pas temps d'en discuter, maintenant qu'on est entre amis loyaux ?"
"Ce n'est pas une question de confiance, Farida. La sécurité d'Ember dépend de ce secret. Et un bon secret est un secret qui ne se partage pas," insiste le jeune Leeves en soutenant le regard de son amie.
La tension grandit de nouveau dans la pièce, alors qu'Azul et Farida se fixent mutuellement sans parler.
"P.. Perso, je préfère ne rien savoir si c'est ce qu'il y a de mieux pour Ember…" Dis Morgane en brisant le silence. Rien d'étonnant venant d'une lâche qui passe sa vie à fuir la réalité.
"Ça ne change rien pour moi non plus," ajoute le garçon accompagnant Azul. "J'ai confiance en ton jugement."
Voyant que personne ne semblait partager son sentiment, Farida détourne le regard, déçue. La pauvre n'a pourtant pas tort de vouloir en savoir plus sur son amie. Surtout si elle tient à elle.
Finalement, la personne concernée se détache de son partenaire, marchant jusqu'au centre de la pièce pour être sûre que tout le monde ait l'attention sur elle.
"Et si on changeait de paysage ?" Propose Ember, avant de se tourner vers Farida en souriant. "Je me sentirais plus à l'aise pour en parler dans un endroit plus discret."
Tout le monde semble surpris par sa décision. Surtout Azul, dont les lèvres s'ouvrent pour faire savoir son opposition, mais desquelles aucun son ne sort.
"Ce bar n'est pas assez discret ?" Je demande, pensant connaître d'avance l'histoire qu'elle s'apprête à nous partager.
"Pour des infos sur le gouvernement peut-être. Mais pas pour ce que je suis sur le point de vous annoncer."
Cette nuit est calme. En vue des températures, les rues sont presque désertes à cette heure-ci. Il vas donc sans dire que les endroits dépourvus de lumière, comme certains coins du port, ne verrais d'autres âmes errantes que les nôtres. Un endroit parfait pour parler de choses plus sensibles qu'un coup d'état.
Malgré le fait qu'il fasse extrêmement froid, au point de ne plus sentir le bout de nos nez, personne ne semble s'en plaindre. À vrai dire, le climat était devenu le cadet de nos soucis.
"Scarlett... La petite fille qui a été déclaré morte il y a dix ans… se cache actuellement derrière le masque du Grand Maître…?" Je demande, d'une voix tremblante. Les pièces du puzzle que j'avais si minutieusement assemblé ne faisaient plus aucun sens, d'un coup.
"Tout porte à croire que c'est le cas," affirme Azul, légèrement en retrait, peu convaincu de l'idée de partager ces informations.
"Et cet alien… Mew ? Ils partagent toujours le même corps ?" Demande le garçon s'appelant Léo, naturellement plus perturbé par l'existence d'une vie extraterrestre.
Ember acquiesce.
"Les monstres que nous avons rencontrés jusqu'à présent sont le fruit des capacités de Mew."
"A..A.. Alors toi aussi, tu peux faire ça ?!!" S'exclame Morgane, visiblement beaucoup trop excité par le fait que son amie soit la clone ultime d'une forme de vie supérieure à la nôtre.
"Non," réponds Ember sans rien ajouter de plus.
J'en conclus que les capacités du clone, bien qu'exceptionnels, font pâle figure à côté de l'original. Cela expliquerait pourquoi Lance a autant peur du Grand Maître.
J'imagine maintenant la raison pour laquelle il m'a demandé d'enquêter sur cette Scarlett. Il souhaitait que je trouve, pour lui, une solution afin de nous débarrasser de ce problème.
Mais il semblerait que la solution m'ait trouvé avant…
"AH ! C'est donc pour ça que le Maître m'a demandé de retenir Ember à la capitale !!" S'exclame encore la Sorcière, faisant définitivement trop de bruit.
"La retenir ? C'est la première fois que j'en entends parler," je me tourne vers Morgane, qui est collée à son amie aux cheveux monochromes.
"C.. C'était une mission confidentielle… Mais lorsqu'on a été envoyés aux quatre coins du pays pour les traquer, le Maître connaissais déjà l'emplacement d'Azul et d'Ember. Il m'a demandé de prendre le contrôle de Sabrina pour me rapprocher de l'enfant qu'il traînait avec lui et de la retenir à Céladopole."
J'ignore si ce qu'elle dit est vrai, ou si c'est un mensonge servant à se laver de ses péchés, mais soit. Supposons que c'est la vérité. Cela voudrait dire que Lance craignait une rencontre entre le Grand Maître et son clone ?
Qu'elles seraient les conséquences d'une telle chose...?
"Désolé... Tout est de ma faute," affirme Ember en baissant la tête. "Je ne devrais même pas exister en premier lieu… C'est pour ça que Mew et Scarlett cherchent à se débarrasser de moi par tous les moyens."
......
Je comprends ce que doit ressentir Scarlett. Ember représente quelque chose d'affreux pour elle. Mais je ne peux pas dire qu'elle a raison d'agir de la sorte non plus.
Si j'ai bien compris, les deux filles partagent les mêmes souvenirs. Bien que Scarlett soit celle ayant réellement vécu toutes ces horreurs. Ember, de son côté, doit vivre avec un sentiment de rejet pesant lourd sur ses épaules.
Elle-même ne se sent pas légitime d'exister…
"Cependant, je ne peux pas les laisser continuer ! Ils font du mal à des personnes qui n'y sont pour rien," ajoute-t-elle en relevant la tête, d'un air déterminé. "C'est pourquoi je les stopperais. Quel qu'en soit le prix."
Espérons qu'elle ne compte pas juste se sacrifier bêtement contre l'original…
Soudain Farida, qui nous écoutait sans rien dire, s'avance afin de prendre Ember dans ses bras. La jeune femme aux cheveux monochromes semble légèrement surprise, mais la douceur de l'acte finit par la détendre à son tour.
"Rien de tout cela n'est de ta faute. Personne ne décide des circonstances de sa naissance," dit l'ancienne pirate d'une voix douce, en caressant la chevelure de son amie. "Tu es aussi légitime que n'importe quel être vivant sur Terre."
"Farida..." La gorge d'Ember se noue, alors qu'elle se retient de pleurer.
Azul, Léo et Morgane observent la scène en souriant. Un sourire contagieux, que je finis par imiter à mon tour.
"Ne soyez pas trop durs avec Scarlett, le moment venu. Ce qu'elle fait est mal, mais la pauvre n'a pas connu la bonté humaine depuis une éternité," j'ose leur demander, sachant pertinemment que ma requête serait perçue comme quelque chose de naïf.
Ember acquiesce, mais son partenaire ne semble pas aussi convaincu qu'elle. Ce dernier se contentant de me regarder sans rien dire. Finalement, il décide carrément de changer de sujet pour revenir à la raison de leur présence ici, à Carmin sur Mer.
"Tu as dit que tu avais des informations pour nous. Il serait temps de cracher le morceau."
Je ne peux m'empêcher de soupirer face à un manque de respect aussi flagrant. Peut-être qu'il est enfin temps de sortir mon paquet de clopes...
"...Azuria," je dis en amenant une cigarette jusqu'à mes lèvres, galérant à l'allumer à cause du vent.
"Hein ?"
"Je ne sais pas où, exactement, mais il y a de grandes chances pour qu'une base soit cachée dans la région d'Azuria. Agatha et Lance s'y rendaient souvent sans en informer qui que ce soit."
"Pile les deux seuls membres connus pour avoir rencontrés le Grand Maître, hein ? Drôle de coïncidence, en effet," commente Azul, se rapprochant pour me servir de coupe-vent, me permettant enfin d'allumer cette fichue clope.
"Merci. Et désolé, c'est tout ce que je sais."
"Ça suffira. Merci à toi," dit-il, avant de se tourner en direction de la Sorcière. "Tu sais ce qu'il te reste à faire ?"
Morgane, qui jusqu'à présent était surexcitée à propos des révélations d'Ember, semble maintenant arborer une expression plus pensive.
"Une base à Azuria… Ça me dit quelque chose…"
Nous la fixons tous longuement, curieux à propos de ce qu'elle pourrait dire. Mais l'intérêt soudain pour elle a l'air de lui mettre plus de pression qu'autre chose.
"Q.. Quoi qu'il en soit, si votre prochaine destination est Azuria, alors on peut faire la route ensemble !" Affirme Léo, détournant l'attention de Morgane afin de lui laisser un peu de répit.
"Tu vas à Azuria ?" Demande Ember en s'écartant de Farida. "Attends... Tu vas enfin prendre tes responsabilités et voir Ondine ?!!"
Le garçon roux semble terriblement gêné par la question de la jeune femme. Une Ondine habitant à Azuria, hein...?
"Je me suis rendu compte, après avoir parlé avec quelques-uns de vos amis, à Jadielle, que j'étais peut-être celui qui se trompait depuis le début…" Explique-t-il en nous tournant le dos. "L'avenir de Kanto ne dépend pas que de vous. Tout comme il ne dépend pas que de moi."
Fixant les paumes de ses mains, Léo continue.
"Beaucoup de gens comptent sur nous. Mais il y a aussi beaucoup de personnes fortes en qui nous pouvons compter, présentes à Jadielle… C'est pourquoi, tout comme vous avez décidés de concentrer votre attention sur un autre problème, j'aimerais aussi en profiter pour résoudre mes différents avec ma sœur, et la protéger dans ces temps incertains."
Ember semble satisfaite par la résolution de leur ami, acquiesçant frénétiquement en réponse.
"Je suis content de t'avoir à nos côtés jusqu'à Azuria," dit Azul en posant sa main sur l'épaule de Léo.
"..."
"..."
"..."
"Pourquoi est-ce que vous me regardez tous comme ça…?" Demande Azul, se sentant sous pression à son tour.
Léo finit par briser le silence en éclatant de rire, remerciant son ami, qui est toujours aussi perdu.
"Moi aussi, j'ai l'intention de partir protéger ceux qui me sont chers," je reprends enfin la parole, les informant de mes intentions. "Je serais à Lavanville pendant un petit moment, si vous avez besoin de moi."
"Lavanville...?" Demande Azul, levant un sourcil. "Je peux comprendre que Léo ait besoin de se rassurer en restant auprès de sa sœur. Mais Lavanville est l'endroit le plus éloigné du conflit, dans Kanto."
Décidément, il est plus attentif que ce que j'imaginais.
"Peut-être que je suis juste parano sur ce coup, mais j'ai un très mauvais pressentiment," j'explique, cassant malheureusement l'ambiance générale.
"Un pressentiment ? Alors ça ne se base pas sur une information fournie par la Ligue ?" Demande Farida, comprenant peu à peu ce qui m'inquiète.
"Comme vous le soupçonnez sûrement, la Ligue est au courant des plans d'attaque de votre groupe. Le Conseil a commencé à agir pour répondre au problème. Mais j'imagine que vous-vous y attendiez."
"Et tu es ici, à parler avec nous, avant de partir pour Lavanville…" Marmonne Azul en rassemblant peu à peu les pièces du puzzle.
"Tu as été mise à l'écart de leurs plans," en conclut rapidement Ember.
Je me contente de lui sourire en réponse, attendant le reste de son raisonnement.
"Tu as dit plus tôt que tu te considérais comme une observatrice au sein de la Ligue. Que tu agissais en faveur de Kanto, et non pas d'une organisation…" Ses yeux rouges se lèvent enfin pour rencontrer mon regard. "Est-ce que ça veux dire qu'ils préparent quelque chose qui irais contre les intérêts de la nation ?"
Tout le monde semble beaucoup plus tendus qu'avant, réalisant que nous étions peut-être à l'aube d'un changement terrible pour Kanto.
Tout le monde, sauf la Sorcière, qui s'exclame soudainement en changeant totalement de sujet.
"Je me souviens maintenant ! Dans les fichiers confidentiels que j'ai dérobés à la Ligue, avant qu'ils ne me forcent à les rejoindre, il y avait un projet de base souterraine aux abords d'Azuria dans le tas !"
"T'as une sacrée mémoire…" Commente Léo, toujours déconcerté par le sujet d'avant.
"Ça m'a marqué, car cette base ne figurait sur aucune des listes auxquelles j'ai eu accès en devenant membre du Conseil. Je me suis toujours demandé si c'était un endroit super secret et super flippant dans lequel il se passe des choses super sombres, ou si c'était juste moi qui avais mal lu ce qui était écrit."
"Tu sais où se trouve l'entrée de cette base souterraine ?" Demande Azul, décidant d'aller droit au but.
"Laisse-moi jeter un coup d'œil au GPS, ça devrait me revenir…"
"Tu feras ça sur la route. On ne devrait pas perdre plus de temps ici," propose le jeune Leeves, avant de se tourner vers moi. "Encore merci. Bonne chance pour la suite."
"Vous aussi."
Le groupe commence alors à marcher en direction des rues, mais une personne en particulier semble ralentir peu à peu, jusqu'à s'arrêter.
La première personne le remarquant est Ember, qui se tourne pour interpeller son amie.
"Farida ?"
En entendant le nom de leur compagnon, les autres s'arrêtent à leur tour, fixant Farida d'un air plus ou moins curieux.
"Désolé," s'excuse la femme aux cheveux d'or. "Plus je pense à ce dont nous parlions plus tôt, et plus je…"
"Tu es inquiète pour les habitants des îles Sevii ?" Demande Azul, recevant un faible oui de la tête en réponse.
Le jeune Leeves et sa partenaire, Ember, s'échangent un regard, avant que cette dernière ne s'avance en direction de Farida, la prenant dans ses bras à son tour.
"Tu vas me manquer," dit-elle d'une voix douce. "Fais attention à toi, d'accord ?"
Farida acquiesce faiblement, ses yeux humides brillants de plus en plus. Enfin, son regard se lève en direction de Morgane, qui la fixe d'un air perdu, l'écran de son téléphone illuminant toujours son visage naïf.
"Nous nous reverrons," affirme la femme aux boucles d'or, en souriant à son tour.
Un jour, ce monde n'aura peut-être plus besoin d'un endroit pour convertir les ténèbres en lumière...
![[Vert Feuille] Mechamon Iris - Page 7 Chapit78](https://i.servimg.com/u/f66/18/58/83/29/chapit78.jpg)
Commentaires
Enregistrer un commentaire