Chapitre 77 - L'Ancienne

 IX - Final

Chapitre 77 - L'Ancienne

Après l'annonce du départ de Farida, Ember a proposé que nous restions une nuit à Carmin sur Mer afin de nous reposer.

Bien que j'aimerais que nous réglions nos affaires avec le Grand Maître au plus vite, j'ai décidé de ne pas protester. Après tout, ce n'est pas une mauvaise idée. Loin de là, même.

La journée fut riche en émotions pour tout le monde, et nous aurons besoin de notre énergie pour la suite. De plus, malgré ce qu'elle pourrait affirmer, Morgane semble avoir des difficultés pour dire au revoir à son amie.

Cela lui donnera le temps de se séparer de Farida, en douceur, tout en cherchant dans ses souvenirs où se situe l'entrée de la base souterraine dont elle parlait plus tôt.

Pour ma part, je pense dormir deux petites heures tant que la soirée ne fait que commencer. Cela suffira. Je monterai la garde dans le hall de l'hôtel après.


En entrant dans la chambre, je vois que Léo est déjà en pyjama. Exactement le même pyjama que celui qu'il portait le jour où je l'ai rencontré...

"Ah, Azul ! Tu tombes bien !" Dit-il, alors qu'il est en train de démonter un drone sur son lit.

"... Je vais dormir dans le couloir," j'annonce en tournant les talons, clairement pas prêt pour partager une chambre avec un furry.

"Attends ! J'ai à te parler."

Soupirant longuement, je lâche la poignée de porte pour me tourner de nouveau dans sa direction. Sa tenue stupide m'énerve déjà... écourtons la discussion.

"Quels sont tes plans pour demain ?" Demande l'ingénieur en me fixant à travers son costume.

"C'est évident, non ? On part ensemble à Azuria. Puis on se sépare pour que tu puisses rejoindre ta sœur."

"Ça, ce sont mes plans..." Pointe Léo en posant sa clé à molette sur les draps. "Tu vas combattre le Grand Maître avec Ember. Est-ce que tu as une stratégie en tête ?"

Une stratégie, hein...? Franchement, j'aimerais en avoir une. Mais on en sais trop peu sur notre adversaire, si ce n'est qu'il sera sûrement très différent de tous ceux qu'on a combattus jusqu'à présent.

Si j'en crois ce qu'Ember nous a décrit pour l'instant, les capacités de Mew surpassent de loin les siennes. En combat au corps-à-corps, j'ignore comment on pourrait vaincre une chose pareille. Et il vas sans dire que mes balles ne lui feront rien s'il peut se régénérer instantanément.

"L'Eevolv-S ainsi que le Vyzard. C'est ça mon plan," je réponds à Léo, le fixant dans les yeux après avoir tiré mes propres conclusions.

"Tu as donc l'intention de les tuer..." Réalise mon interlocuteur, baissant la tête d'un air mélancolique.

"Je ne sais même pas s'ils sont tuables en premier lieu. Mais une chose est sûre... Si on ne donne pas tout ce qu'on a, c'est nous qui allons mourir."

Avant que Léo n'ait le temps de rétorquer, mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Voyant de qui il s'agit, je réponds instantanément.

"Ember ?"

"J.. Je me demandais si tu étais occupé..." Dit-elle d'une voix presque tremblante.

"Il y a un problème ?"

"Hein ? N.. Non. Aucun. Je... Je me demandais juste si tu ne voudrais pas te promener en ville avec moi... Rien que tous les deux..."

Une promenade... Je n'ai franchement qu'une envie après cette journée de merde, et ce n'est pas de marcher.

"Pas ce soir. Je suis fatigué."

En entendant cela, Léo relève soudainement sa tête, son masque de lapin ridicule tombant pour révéler un visage choqué.

"Mais on n'est jamais seuls tous les deux ! Et puis Carmin sur Mer est la ville la plus romantique qu'on a visitée jusqu'à maintenant..." Ember se plaint, de l'autre côté du fil. Je ne suis pas stupide. Je comprends sa frustration.

Nous sommes techniquement un couple depuis quelques jours. Mais il est difficile de trouver des moments pour nous, avec tout ce qu'il nous arrive.

Et c'est aussi pour cela que nous nous battons. Pour mettre un terme à cette vie de combats. Pour enfin pouvoir savourer une paix bien méritée.

"Nous aurons tout le temps pour le faire lorsqu'on en aura fini. Dans toutes les villes de Kanto s'il le faut," je la rassure, d'une voix plus douce. Ce qui, étrangement, semble créer chez Léo des expressions faciales inédites.

"Peut-être pas toutes les villes de Kanto non plus..." Rigole Ember, sous-entendant clairement que certaines villes ont plus de valeur que d'autres à ses yeux.

"J'avoue, tu risquerais d'avoir des crampes si on les fait toutes," j'ose blaguer, un sentiment de légèreté envahissant mon cœur via cet échange.

Bien que nous n'ayons pas le temps d'en profiter pour le moment, je sais déjà qu'avoir déclaré ma flamme à ma partenaire est l'une des meilleures choses que j'ai faites ces derniers mois. Ces papillons dans le ventre le prouvent.

Après lui avoir souhaité une bonne nuit, je raccroche à Ember, rangeant de nouveau mon téléphone dans ma poche.

"Azul... Espèce d'animal..." marmonne Léo, le visage pâle, comme s'il sortait d'un manège à sensation.

Je décide de l'ignorer et de me diriger en direction de la salle de bain. Je n'ai clairement pas l'énergie pour tenter de comprendre ses inepties.










Doucement, mes yeux s'ouvrent. Comme prévu, il fait encore nuit. Mais quelque chose cloche...

Je suis un peu trop en forme pour quelqu'un qui n'a dormi que deux heures.

Est-ce car je sais, inconsciemment, qu'une bataille importante nous attends ? Ou bien...

Attrapant mon téléphone, je le débloque.

...

Il est quatre heures trente. J'ai définitivement trop dormi.

Soupirant longuement, je décide de ne pas perdre une minute de plus. Je me lève, rejoignant la salle de bain pour me préparer pour la journée.

Une fois propre, et après avoir réveillé Léo, je quitte ma chambre. Le couloir étroit de l'hôtel est déjà illuminé lorsque je sors de la pièce. Normalement, les lumières sont censées s'éteindre lorsque personne n'est détecté dans les environs.

Or, une personne se tient, seule, devant la porte de la chambre louée pour les filles. Il s'agit d'Ember. Et elle est déjà prête, comme en témoigne sa tenue et l'odeur du shampoing qui se dégage de sa chevelure.

"Tu es déjà debout ? Voilà qui est rare," je commente, ne lui laissant pas le temps de faire une remarque sur le fait que je me suis réveillé trop tard, contrairement à elle.

"H.. Haha... Ouais..." Réponds Ember, jouant avec une de ses mèches de cheveux en détournant le regard.

Elle est nerveuse. Je ferais mieux de la rassurer.

Je décide donc de m'adosser au même mur qu'elle, fixant la porte de sa chambre sans raison apparente.

"Ne t'en fais pas. J'assurerais tes arrières, et tu assureras les miennes. Alors allons voir Mew, ou Scarlett, ou peu importe," enfin, je tourne mon visage vers elle en lui offrant un sourire apaisant. "... et faisons ce qu'on a à faire."

Serrant son téléphone contre elle, Ember se tourne doucement vers moi. En vue de son expression, je devine que mon discours n'a rien changé à son stress.

"On a un gros problème, Azul..."

"Ha ?"

La fixant d'un air perdu, j'attends que ma partenaire m'explique ce qui l'inquiète réellement.

"Agatha... La personne que le Conseil surnomme « La Vieille »..."

"L'Ancienne*," je la corrige, faisant de mon mieux afin de garder mon sérieux face à une telle erreur...

"Oui, voilà ! Elle a l'intention d'attaquer Kanto avec plus de mille Soldats !" S'exclame Ember en me fixant enfin droit dans les yeux.

...

"C'est pour ça que tu t'es levé aussi tôt ? Parce que tu as fait un cauchemar ?" Je demande, peinant à cacher ma déception.

"Ce n'est pas un rêve ! J'ai un message le prouvant !!" Insiste-t-elle en me collant son téléphone au visage.

Attrapant son poignet, j'éloigne un peu l'appareil afin de voir ce qui est affiché à l'écran. Un contact sans nom lui aurait envoyé un message dans la nuit, la prévenant qu'Agatha prévoit de déployer un millier de Soldats à travers le pays. Que nous pourrons la trouver à Safrania, si nous souhaitons l'arrêter.

Le message est tellement absurde qu'on pourrait croire à un scam évident. Mais le fait que le numéro soit enregistré dans son téléphone rends la situation un peu plus étrange.

De plus, en revenant en arrière sur sa liste de contacts, je peux voir qu'elle a pour habitude de toujours donner des noms personnalisés à ces derniers. Comme « Tête de choux-fleurs » ou encore « Tête de nullos ».

Ce contact est le seul qui n'a pas de nom...

"Qui t'a envoyé ça ?" Je demande, fermant l'application avant de lui tendre de nouveau son téléphone.

"Hein ? Euh... Olga...?"

Hm... Maintenant que j'y pense, je n'ai pas pensé à prendre le contact d'Olga. Mais pourquoi est-ce qu'elle serait la seule sans nom dans le répertoire d'Ember ?

Quelque chose m'échappe...

Ember ment. C'est évident. La question est : pourquoi ?

Est-ce qu'elle crois en cette histoire d'invasion de l'intérieur ? Ou est-ce qu'elle a une autre raison pour vouloir se rendre à Safrania ?

Non... Si c'était le cas, elle me l'aurait expliqué. Elle n'aurait aucune raison de ne pas me faire confiance là-dessus.

Ce qui veut dire que la seule chose sur laquelle elle me ment est donc l'identité de cette personne.

"Ember... Il est impossible qu'une telle armée soit déployée sans que personne ne s'en rende compte. L'information n'est pas réaliste," j'explique, la fixant dans les yeux d'un air plus strict. "Ce n'est pas Olga qui t'a envoyé ça. Qui est-ce ?"

Elle ne répond pas. Son regard tremble en soutenant le mien, comme si elle hésitait à dire la vérité.

Qui aurait pu envoyer une telle info à ma partenaire...?

Je détourne le regard du sien, repensant à toutes les personnes que nous avons croisées au cours de notre voyage. Mais Ember ne me laisse pas finir ma réflexion. Elle attrape ma manche, tirant cette dernière afin d'attirer mon attention.

"Azul. Tu dois me faire confiance sur ce coup," dit-elle en plongeant son regard dans le mien à nouveau. Cette fois-ci, il semble beaucoup plus déterminé. "Si nous ne prenons pas ce message au sérieux, et qu'il s'avérait être vrai..."

... Ce serait une catastrophe. Mais, une fois de plus, il n'y a aucun moyen pour que ce soit vrai.

Cette fois-ci, c'est moi qui hésite en soutenant son regard. Et ce qui nous interrompra sera le bruit de la porte de ma chambre s'ouvrant, dévoilant un Léo qui, après nous avoir vu, referme la porte comme si quelque chose semblait l'embarrasser.

"...Demande à Morgane de se préparer. Nous attendrons à l'accueil avec Léo," sur ces mots, je laisse le sujet en pause, le temps de réunir le groupe.


Quinze minutes plus tard, les filles sortent de l'ascenseur, nous rejoignant dans le hall de l'hôtel.

Farida n'est déjà plus là, malgré le fait qu'il ne soit même pas cinq heures du matin. Elle est partie au milieu de la nuit, afin d'éviter que la Ligue ne l'intercepte en mer.

Pour ce qui est de Morgane... J'ai l'habitude de son apparence négligée, mais là, on est à un tout autre niveau.

Ember est encore en train de se battre, armée d'une brosse, contre la chevelure de la Sorcière qui semble plus rebelles encore que nos amis à Jadielle. Et son regard vide, orné de cernes, me rappelle celui des créatures dans les films de zombies qu'elle aime tant regarder dans le cockpit du Eevolv-S.

C'est inquiétant... Heureusement, il y a encore pas mal de route devant nous. Ce qui devrait lui laisser du temps pour dormir.

"Bon !" S'exclame Léo, visiblement beaucoup plus en forme que l'autre hackeuse dans la pièce. "Direction Azuria ?"

"À ce propos..."

Nous expliquons la situation à Léo et Morgane. L'ingénieur semble tout aussi peu convaincu que moi, tandis que la Sorcière... a depuis longtemps quitté la planète Terre.

"Si je me souviens bien, Agatha est connue dans le milieu pour ses recherches sur les intelligences artificielles. Cependant, la technologie est encore trop instable pour réellement pouvoir remplacer un pilote humain," explique Léo, alors que nous quittons le lobby de l'hôtel, marchant désormais en direction du parking ou nous avons garé le camion la veille.

"Il est donc encore moins probable qu'elle puisse en contrôler mille," je conclus, avant que Léo n'acquiesce en réponse.

"Je vous rappelle qu'Agatha est un membre du Conseil ! Sa force n'est pas à sous-estimer !" Dis Ember en haussant le ton, toujours pas convaincue par nos arguments.

Léo se tourne alors vers Morgane, dont un filet de bave s'échappe du coin de la bouche. Il lui demande s'il y a quelque chose qu'on ignore à propos des véritables capacités de l'Ancienne.

Sa réponse, après avoir enfin levé le regard pour nous fixer, uns à uns, est la suivante :

"... Hein ?"

De tous les membres du Conseil, pourquoi fallait-il que ce soit elle qui finisse par les trahir pour nous rejoindre...?

Soupirant, je me tourne de nouveau vers Ember, laissant le légume qui nous sert de Sorcière de côté.

"Mis à part les capacités d'Agatha, tu ne trouves pas le timing étrange ? Nous venons à peine d'apprendre la position du Grand Maître, et voilà que ton mystérieux contact nous demande d'aller à Safrania ?"

"C.. Ce n'est pas si étrange ! Peut-être que c'est le plan de la Ligue, afin de contrer le coup d'état de demain !" Réponds Ember, toujours aussi persuadée de la possibilité d'un tel scénario.

Si, par on ne sais quel miracle, l'Ancienne a réellement la capacité de déployer mille unités à travers Kanto, alors oui, ne pas la stopper coûterais la victoire à la Résistance.

D'un autre côté, si c'est un piège, ou un moyen de nous détourner de notre objectif, cela permettrait au Grand Maître de se préparer à notre venue, voir même fuir vers une autre base.

Le second cas est beaucoup moins grave que le premier, mais j'ai le sentiment que la menace de Mew et Scarlett doit impérativement être traitée au plus vite.

Une solution évidente serait de prévenir nos alliés, à Jadielle et à travers Kanto. Mais non seulement, ils ne nous prendraient pas au sérieux, mais en plus, nous sommes le groupe le plus proche de Safrania, actuellement.

"Et si..." Ember me sort de mes pensées, proposant son propre plan avec une voix incertaine. "... Et si on se séparait ? Je pourrais me rendre, à Safrania et, le temps de confirmer s'il s'y passe quelque chose, je vous aurais rejoint à Azuria aux alentours de quatorze heures !"

"Il en est hors de question," je lui réponds d'une voix froide et directe, ne prenant même pas la peine de considérer l'idée.

"Pourquoi ?!" S'indigne la jeune fille, s'arrêtant de marcher en attendant une explication de ma part.

Je décide de faire de même, me tournant vers elle en croisant les bras, la fixant d'un air autoritaire.

"Car c'est dangereux. S'il s'agit d'un piège—"

"Tu penses vraiment qu'ils auraient une chance contre moi et le Vyzard ?!" S'exclame-t-elle en me coupant, ayant visiblement gagné en arrogance ces derniers temps... "Quoi que tu dises, j'irais à Safrania !"

Léo se rapproche de moi, posant une main sur mon épaule afin de me calmer avant que les choses ne dégénèrent davantage.

"Son plan n'est pas mauvais. Elle aura atteint Safrania bien avant qu'on arrive à Azuria. Si elle se rend compte que quelque chose cloche, elle n'aura qu'à nous prévenir et nous prendrons la première sortie d'autoroute."

......

Je sais que son plan est loin d'être mauvais. C'est le meilleur compromis possible. Mais l'idée de la laissée seule... Je n'aime vraiment pas ça.

"Allez... Fais-moi confiance," demande Ember sur un ton plus calme, me fixant d'un regard tremblant. "Je t'ai fait confiance hier, lorsque tu es resté dans le tunnel et que tu nous as demandés de partir devant. Alors..."

Ma mâchoire se serre. Je peux sentir les traits de mon visage se tendre.

Elle a raison. Je continue d'agir de manière injuste en leur demandant de me laisser prendre tous les risques. Et cela s'applique particulièrement à Ember...

"... Bien... Mais si tu n'es pas à Azuria à midi, je me rendrai moi-même à Safrania. Et il faudra assumer les conséquences," je réponds en détournant le regard. Les mots quittant mes lèvres avec un goût qui me répugne personnellement.




















Vous savez, parfois, je me demande pourquoi on voyage encore en voiture. Certes, ce n'est pas le moyen le plus discret, mais avec le Vyzard, un vol Carmin sur Mer - Safrania ne dure que quelques minutes.

Les gens sont contents de voir le Chevalier Dragon survoler la ville, et aucun méchant n'ose attaquer, car ils savent qu'ils n'ont aucune chance. En fait, ça ne sert à rien d'être discret.

Posant ma machine sur une des nombreuses pistes d'atterrissage de la Sylphe SARL, je descends du cockpit avant même qu'ils n'aient le temps d'envoyer quelqu'un pour m'accueillir.

Peut-être que j'aurai dû les prévenir, par politesse...

La Sylphe a un contrôle presque total sur la ville. Et ils sont nos alliés. Il est donc logique d'aller les voir en premiers si je souhaite en apprendre plus sur les agissements d'Agatha.

"Ember ! Tu aurais pu nous prévenir que tu venais ! J'aurais préparé du thé !" La voix de Moutonman, le stagiaire de Papy Aigri, retentit alors qu'il court dans ma direction, poussant les autres employés qui arrivaient pour me recevoir.

"Ça ira. Je préfère le chocolat. Et... Est-ce que tu peux arrêter de tirer sur mon manteau ? C'est gênant," je le dissuade de me retirer ma veste, sans laquelle j'aurais non seulement froid, mais aussi une terrible envie de mourir.

"Tu t'es faite une teinture ? C'est original !" Ajoute-t-il en me suivant comme un voltoutou. Il ne cesse de se comporter comme un lèche-bottes depuis qu'il sait que je suis capable de piloter le Vyzard... Et c'est très TRÈS énervant.

Escortée par le lourdingue et un groupe de scientifiques, j'arrive au bureau du PDG de la Sylphe. C'est un vieux monsieur avec une longue barbe blanche. Il a l'air gentil, mais Azul ne l'a jamais porté dans son cœur. Malgré le fait qu'il l'ait sauvé lorsque la Team Raclette avait attaqué Safrania.

La pièce est gigantesque. Suffisamment pour que plusieurs Soldats puissent se tenir telles des statues, de chaque côté de cette salle du trône improvisée. Et, parmi toutes ces machines, une en particulier attire mon attention.

Se tenant fièrement derrière le bureau du patron, se trouve le Proto-Vyzard. Le Mechamon Soldat que je pilotais il y a encore quelques mois.

Je ne peux m'empêcher d'arborer un sourire nostalgique en le voyant.

"Il est exactement comme vous l'aviez laissé. En bien plus propre, bien entendu. L'entretient de ces machines est une tâche que nous prenons très au sérieux," m'informe une voix que je devine être celle de la personne que je suis venue voir. Chose qui se confirme lorsque je me retourne enfin.

"Bonjour. Je suis désolée de vous déranger aussi tôt dans la matinée."

"Ne vous inquiétez pas pour ça. Si vous êtes ici, c'est qu'il doit y avoir une urgence, je suppose ?" Me demande le PDG, faisant signe pour que je m'installe sur un des canapés, avant de me rejoindre sur ce dernier.

Entre deux biscuits à la noix de coco, j'explique la situation aux personnes présentes dans la salle. Ils se fixent tous d'un air peu convaincu, mais font quand même l'effort d'imaginer comment un tel scénario pourrait être possible.

"Lorsque je « travaillais » pour le professeur Chen, j'ai eu l'occasion de lire certaines de ses notes. Ainsi que certains de ses anciens journaux," explique le Stagiaire, lui-même assis sur le sofa, se goinfrant de gâteaux. "Les plus vieux d'entre eux parlaient parfois d'une fille du nom d'Agatha. Il pensait au début qu'elle ne le voyais que comme un rival, jusqu'au jour où elle est entrée par effraction dans sa chambre d'étudiant et qu'elle s'est déshabillée—"





"T.. T'AS PAS DES INFOS PLUS UTILES ?!!" Je hurle en me bouchant les oreilles, mon visage brûlant d'embarras.

"P.. Pardon... Pour résumer, elle avait l'air obsédée par lui, dans plus d'un sens. J'ai essayé de lui en parler, un jour, mais le sujet ne l'intéressait pas. Pourtant, si on en croit ses journaux, elle était clairement le genre de personne difficile à ignorer..."

Je n'en doute pas...

"Est-ce qu'il parlait, dans ses journaux, du domaine de prédilection d'Agatha ? J'ai entendu dire qu'elle se spécialisait dans la recherche sur les Intelligences Artificielles," je demande, dirigeant la discussion loin des histoires érotiques de papy...

"Si je me souviens bien, il n'arrêtais pas de se plaindre, dans ses journaux, qu'elle manquait d'originalité, et passait son temps à copier ses propres recherches," réponds le Stagiaire, fixant un point sur le sol pour se concentrer davantage sur ses souvenirs. "Le prof n'a jamais cru aux capacités de l'IA. Pour lui, ce n'est rien de plus qu'un fantasme. Un caprice de l'humanité, préférant chercher la facilité dans une technologie qui pourrait remplacer l'Homme, plutôt que de se surpasser soi-même."

Le patron de la Sylphe se libère la gorge dans une toux bruyante, interrompant notre discussion.

"Notre entreprise possède ses propres équipes bossant dans le développement d'Intelligences Artificielles. C'est une technologie qui est encore difficile à manipuler, mais nous croyons en son potentiel d'évolution dans de nombreux domaines."

Franchement, je me fiche pas mal de savoir qui a raison et qui a tort. Je ne suis pas venue à Safrania pour participer à un débat philosophique.

"Vous avez déjà travaillé avec Agatha ? En tant qu'entreprise, je veux dire," je me tourne vers le PDG cette fois-ci.

"Il nous est arrivé de travailler avec le gouvernement, naturellement. Mais cette Agatha dont vous parlez est une personne solitaire. Elle est réputée dans le milieu de la science et de la recherche technologique. Mais sa réputation est assez faible comparée à celle d'un Samuel Chen. Et elle ne semble pas être du genre amical non plus," explique-t-il, tapotant le bout de ses doigts en réfléchissant. "De plus, depuis votre départ avec la Résistance, la Ligue n'a pas cherché à travailler avec nous. Il est difficile d'imaginer qu'elle ait pu produire une telle armée sans avoir fait appel au premier producteur d'unité mécanique du pays."

Donc, pour eux aussi, cette histoire n'est pas crédible. Est-ce que Green m'aurait menti pour gagner du temps...?

Non. Il est stupide, mais pas à ce point. S'il avait besoin de plus de temps, il me l'aurait demandé directement.

Enfin, une sonnerie retentie : celle du téléphone du patron, qui s'excuse avant de se diriger en direction de son bureau pour répondre.

"Est-ce qu'Azul va bien ?" Demande le Stagiaire, me faisant la conversation en attendant.

"Je comptais l'appeler après cet entretient pour le tenir informé. Si tu veux, je te passerai le téléphone une minute," je propose en acquiesçant, lui souriant malgré tout.

Cependant, avant qu'il n'ait le temps de me répondre, son nouveau patron revient de son propre appel téléphonique, le visage grave.

"La Ligue est ici. Ils ont vu le Vyzard atterrir dans nos locaux et sont sur le point d'entrer."

Donc, finalement, ils ont quand même eu l'audace de venir me défier, hein...?

"Nous allons essayer de les retenir, le temps que vous remontiez dans votre Soldat," ajoute-t-il en me montrant la porte de son bureau, comme pour me dire de faire vite.


Courant en direction de la piste d'atterrissage, je commence à réfléchir à un plan. Dans tous les cas, je ne perdrais pas contre eux, peu importe qui ils sont. Mais l'idéal serait de débuter l'affrontement loin de la ville, afin de limiter les dommages collatéraux.

J'arrive rapidement au niveau de mon mecha, et me prépare à ouvrir le cockpit, quand une voix sortie d'un haut-parleur retentit.

"Il est encore tôt pour leur première sortie en ville, mais Lance devra me pardonner. Je ne pouvais pas ignorer une telle opportunité."

Cette voix... C'est celle d'une vieille dame.

Restant sur mes gardes, j'observe partout autour de moi pour voir d'où provient la voix. C'est alors que j'aperçois plusieurs Soldats. Certains pointant le mien avec des fusils de précision, depuis les toits de la Sylphe, d'autres s'approchant doucement, armés de grandes épées. Ces derniers sortent d'un tunnel, menant à la gare du complexe.

Ils sont nombreux... Mais surtout, ils ressemblent énormément au Vyzard.

Lançant un regard de côté à mon partenaire mécanique, je lui fait signe, discrètement, pour se préparer à ouvrir son cockpit et me jeter dedans à tout moment.

"Je ne ferais pas ça si j'étais toi," la voix de celle que je devine être l'Ancienne retentit de nouveau. "Je connais tes capacités, Mewtwo. Si tu bouges ne serait-ce que d'un centimètre, j'ordonnerais à mes Charming Leon d'abattre tous ces traîtres de la Sylphe."

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